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c’est-à-dire pour spécialiser son action, la répartir dans une pluralité indéfinie d’unités corporelles, et arriver ainsi, de plus en plus, à la conscience, grâce à la formation progressive d’appareils de communication et d’échange avec le milieu terrestre, milieu dont le refroidissement permet désormais aux atomes de s’agréger et de servir de matériaux à des structures durables. L’organisme peut être considéré comme une condition de la sensibilité chez le principe de la vie, puisque toute sensation suppose une impression et toute impression un organe : c’est pour cela qu’il n’y a pas lieu de se demander quel a pu être l’effet de la température extrêmement élevée des éléments terrestres sur le principe de la vie antérieurement à l’apparition des formes végétales et animales. Cet effet a été nul, faute d’organisation. L’œuvre du principe de la vie n’existait encore qu’en puissance et non en acte (pour employer le langage d’Aristote) ; ce que nous avons appelé jusqu’à présent le principe de la vie, c’est précisément ce qui contient le monde vivant, c’est la vie en puissance, à l’état virtuel. Exister en puissance, ou exister à l’état virtuel, c’est la même chose ; la seconde expression est l’équivalent moderne de la première. Les savants, d’ailleurs, retournent aujourd’hui au vocabulaire antique par l’emploi du mot : potentiel (qui existe en puissance) ; ils appliquent ce mot à la mécanique pour désigner le travail que ferait une force si elle s’exerçait, le travail qu’elle est donc capable de faire, en puissance de faire à un moment donné.

Or l’état d’une telle force qui agit sans que son action se traduise présentement dans le monde ambiant, dans l’espace, n’est-il pas tout à fait analogue à l’état du principe de la vie avant que celle-ci se manifestât dans le milieu terrestre par une impulsion et une forme données à la matière pesante, physique et chimique ? La vie alors était donc, à ce titre, un potentiel, une énergie potentielle, le travail d’organisation qu’une force dont nous ignorons la nature, mais dont nous constatons l’existence par ses effets, était capable de faire subir à la matière terrestre. La vie depuis lors est ce travail même progressivement opéré. Au fond, le potentiel des savants cache aussi un concept métaphysique : il désigne une chose dont la nature dépasse de beaucoup la portée des sens ; mais comme cette chose détermine des phénomènes (mouvement, vitesse, chocs, etc.) perceptibles aux sens et que sa puissance peut être mesurée par ses actes, cela suffit pour que les savants puissent la représenter par