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tenant. Il faut donc concevoir dans l’évolution de la terre un moment où aucun germe de vie n’a pu résister à une telle chaleur, et, par suite, on est induit à y concevoir la vie comme ayant procédé du seul rapprochement de certains éléments minéraux. Il semble tout d’abord qu’on soit acculé à cette explication, et plus d’un savant s’y cantonne. La vie procéderait alors, non pas d’une donnée préexistant aux organismes pour les former, mais serait, au contraire, l’effet d’un arrangement spécial des atomes régis par les seules lois physiques et chimiques, arrangement qui constituerait tout le germe.

Mais cette conception du germe comme ne se composant que d’éléments physico-chimiques réunis et disposés d’une certaine manière ne semble pas, d’autre part, répondre aux données de l’observation et aux résultats de l’expérience. Les forces inhérentes aux corps physiquement et chimiquement définis tendent à l’équilibre dès que la combinaison des atomes de ces corps est accomplie, tandis que dans le corps appelé germe se révèle une action interne persistante, un principe d’évolution qui ne paraît pas entièrement réductible aux forces physico-chimiques. Il nous suffira de signaler la virtualité plastique, dont la manifestation extérieure, loin de s’expliquer tout entière par ces forces, est, au contraire, un changement apporté à leur direction pour les adapter à un plan prédéterminé. Le mouvement végétatif, par exemple, combat la pesanteur pour diriger avec persistance les atomes dans divers sens différents de celui qu’elle prescrit. À supposer même que ce progrès ascensionnel et expansif puisse en partie se ramener à des phénomènes physiques tels que l’osmose pour le mouvement de la sève, il s’en faut de beaucoup que la structure totale, la forme entière de la plante y trouve une explication suffisante. La figure d’une feuille ou d’une fleur est la réalisation d’un type impliqué dans la graine, et la force qui réalise ce type dans chaque plante paraît tout à fait distincte de celles qui constituent l’essence intime des minéraux. Claude Bernard n’a pas osé affirmer que la vie fût réductible entièrement à l’action des forces physiques et chimiques ; il a formellement déclaré que les opérations chimiques du corps vivant se passent dans un creuset spécial. N’est-ce pas admettre que la vie a sa chimie propre ? ce qui suppose que les atomes appropriés par le corps vivant le sont en vertu d’une affinité propre. Or une pareille affinité ne suppose-t-elle pas elle-même un principe spécial de la vie physiologique ?