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pouvez arguer pour définir la réalité de cette chose. Et ainsi, grâce à votre propre aveu, votre argumentation contre l’existence en soi des représentatifs est compromise. L’origine première de l’étrange erreur que nous signalons nous semble être une confusion entre la simplicité et l’indétermination. De ce qu’une chose est déterminée, il ne s’ensuit pas qu’elle n’est pas simple et en elle-même indépendante. De ce qu’il n’y a point représentation sans relation, c’est-à-dire, au fond, de ce que toute représentation comporte détermination, il ne s’ensuit point que, considérée en elle-même, elle soit composée et relative. Le caractère déterminé de toute représentation montre au contraire simplement qu’elle est réelle, car l’indéterminé, c’est le néant, ni plus ni moins, pour la connaissance. Nous dirons avec M. Rabier : « Si l’on conçoit tout fait de conscience, non comme le sentiment d’un rapport, mais comme une chose absolument simple, il s’ensuit que tout phénomène de conscience est une réalité concrète, positive, qui existe telle qu’elle est connue, une chose en soi, un absolu. L’absolu, c’est, en un sens, ce qui est réellement. Or une sensation, par exemple, est réellement telle qu’elle est sentie ; toute sensation est donc un absolu ; et en la connaissant, c’est un absolu que nous connaissons. On peut, sans doute, en comparant la sensation à sa cause présumée, soit en nous, soit hors de nous, dire : la sensation n’est qu’une image ou même une trompeuse apparence… Mais en soi, pris comme fait et non comme signe, ce phénomène n’est point une apparence, bien que depuis Platon tous les philosophes semblent s’être donné le mot pour reléguer de semblables phénomènes au rang des apparences et des fantômes. Il est ; il est tel qu’il apparaît ; et rien au monde ne peut être plus réel. Car il n’y a pas de degré dans la réalité. Une chose est ou n’est pas ; point de milieu ; mais si elle est, elle est aussi absolument réelle que ce qu’il a plu aux philosophes d’appeler le monde des idées, le monde des choses en soi, le monde des noumènes[1]. »

Nous pouvons faire nôtre cette thèse, moyennant quelques changements. Pour éviter l’affirmation substantialiste de « l’esprit », nous ne dirons pas : « Une sensation, par exemple, est réellement telle qu’elle est sentie », car nous ne savons pas si elle est sentie par quelque chose, mais nous dirions : « Une sensation est réellement telle qu’elle apparaît ». Et nous supprimerions la phrase : « et en la connais-

  1. Rabier. Psychologie, p. 78, 79.