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obligé d’employer, ou tout autre équivalent, « pensé, conçu, intelligible, etc. », témoigne de l’impuissance où l’on est de dépasser la représentation, et j’ajoute que la conformité alléguée entre le représenté en soi et le représenté dans la représentation démontre qu’en voulant poser autre chose que la représentation, c’est encore elle, elle seule que l’on pose[1]. » Cette réfutation du réalisme nous semble péremptoire. En d’autres termes, comme M. Renouvier le dit plus loin, « la connaissance ne reçoit point de représenté sans représentatif ». Donc, véritablement, un objet ne peut être connu en soi, et à la bien examiner, cette proposition est même naïve puisqu’elle est déjà tout entière dans le seul mot « connu » auquel on est contraint.

Mais, et ceci nous conduit à la seconde partie du postulat, en est-il de même des idées, ce mot pris au sens cartésien ? Ne sont-elles pas et ne peuvent-elles pas être connues en soi ? M. Renouvier le nie avec la même certitude : « Aux autres, dit-il, qui tâchent d’établir, tout au contraire, une espèce de représentatif en soi, et qu’on appelle idéalistes, je dis que j’ignore entièrement ce que c’est qu’une idée en soi et un représentatif à part de ce qu’il représente ; qu’il n’y a pas plus de raison d’admettre une projection du représentatif pour constituer le représenté, que d’admettre une réflexion du représenté pour constituer le représentatif : mais qu’il y a des raisons de n’admettre ni l’une ni l’autre de ces imaginations singulières, et les voici : 1° l’une et l’autre ont leurs partisans et elles sont incompatibles ; 2° le représentatif et le représenté pris isolément sont d’irréprésentables entités, réunis sont des termes de rapport qui, par la représentation et en elle, ont un sens, hors de là ne touchent personne[1]. »

« À moins, écrit-il ailleurs, qu’une pensée ne prenne la forme d’un représenté, il est clair qu’elle n’est pas non plus représentative. » En d’autres termes, comme il le dit plus bas, « la connaissance ne reçoit point de représentatif sans représenté[1] ».

Tout d’abord, quant à cette « projection » que M. Renouvier repousse, elle n’est supposée que par l’idéalisme absolu. Mais comme système de la connaissance, et non plus de l’existence, l’idéalisme est rigoureux et inévitable. En d’autres termes, l’on peut affirmer l’existence d’un non-moi subjectif, et déclarer inconnaissable à l’homme le non-moi objectif. Il n’y a pas la moindre hardiesse ni le

  1. a, b et c Renouvier, Essais de critique générale, 1er Essai, § V.