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l’acte ; ainsi apprend-on suffisamment ce que c’est. — Plus tard, avec le progrès de la réflexion, lorsque Descartes aura appelé l’esprit, plus qu’aucun ne l’avait fait encore, à réfléchir sur soi, et à user ainsi de cette faculté merveilleuse, qui lui est propre, de la conscience intime, on devra reconnaître, et c’est ce qu’il s’agirait aujourd’hui de mettre en pleine lumière, que les analogies du dehors ne font que nous solliciter à trouver en nous, dans notre intime expérience et à connaître ainsi, sinon à comprendre, ce que c’est qu’action et ce que c’est que puissance.

De ce qui précède il suit que le premier principe, l’Être de qui tout dépend, tout autre que l’être abstrait et général des logiciens, Dieu, autrement dit, car cela, dit Aristote, c’est Dieu, n’est en lui-même qu’action pure, sans mélange de rien d’inférieur, sans aucune matérialité. Qu’est-ce donc maintenant que cette action ? C’est, dit Aristote, la pensée, la pensée contenant avec l’intelligence la volonté, telle, en un mot, que la comprit Descartes. Car si partout ailleurs ce sont choses différentes que ce que l’on entend et ce que l’on désire, que penser et vouloir, de ces deux choses pourtant, comme s’exprime Aristote, « les premières sont les mêmes ».

Ce sera un nouveau progrès de la philosophie de reconnaître que dans cette dentité essentielle il y a pourtant une différence encore, et qu’à la volonté appartient, après tout, la primauté ; un nouveau pas, mais duquel contenait déjà la promesse la théorie de l’action.

Ajoutons encore que l’intelligible par excellence, à la différence de ce qui ne l’est que d’une manière imparfaite et relative, ne pouvant être que l’action pure de toute matérialité, et cette action étant la pensée, l’objet de la pensée absolue est cette pensée même. En Dieu la pensée est elle-même son propre objet, elle est « pensée de pensée ». Type supérieur de ce que nous trouvons en nous, où se perçoit elle-même notre pensée. Une intelligence toujours vivante et en éveil, qui éternellement se détermine et se contemple elle-même, heureuse élernellement ainsi qu’il est donné à l’homme de l’être quelques moments, comme étant en possession éternelle de ce qu’elle aime, tel est donc le principe auquel la nature est comme suspendue, vers lequel l’élève l’amour, et dont il la porte à se rapprocher incessamment en l’imitant. C’en est une imitation, en effet, que le mouvement par lequel les âmes se replient sur elles-mêmes pour s’y retrouver et y retrouver surtout l’intelligence supérieure