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même marbre ; une palme dorée est posée en travers de ses pages, dont l’une contient ce verset de saint Luc, chap. v : « La lumière a lui dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l’ont pas reçue », et l’autre, à droite, cette simple inscription : A. Spir, 1837-1890, avec les derniers mots qu’il ait prononcés distinctement avant d’entrer en agonie : « Fiat lux ! »

II

Spir se défendait d’apporter un nouveau système et même de suivre une nouvelle méthode. Mais il n’avait rien d’original en repoussant l’honneur de cette sorte d’originalité. Depuis longtemps les philosophes protestent, au moins en paroles, de leur aversion pour les systèmes. Leur prétention est de découvrir et d’exposer les choses telles qu’elles sont. L’unique méthode est alors de constater les faits, de les constater exactement et de tirer de ces faits les conséquences les plus simples, celles qui se présentent d’elles-mêmes. C’est la méthode de Descartes, dont « la gloire éternelle est d’avoir le premier reconnu que la philosophie doit partir de la certitude immédiate, et d’avoir découvert, par une intuition très sûre, dans le contenu même de la conscience, ce qui est, en fait, immédiatement certain ». Mais Descartes s’est contenté de bien commencer, et la suite que lui et ses successeurs ont essayé de mettre à ce commencement s’est dispersée dans toutes les directions. On a bientôt cédé au besoin d’expliquer les choses ; on a oublié que la tâche de la philosophie, le seul moyen aussi d’en faire une science positive et la plus positive de toutes, ou plutôt la seule positive, comme nous le verrons, est de séparer, de distinguer les faits de toutes les explications possibles ou impossibles qui viennent à l’esprit. Faute d’avoir eu ce soin ou de l’avoir, on a construit et l’on bâtit encore cette variété de systèmes, qui sont souvent de beaux arrangements de paroles, ou même de pensées, si l’on veut, mais où les lois mécaniques de l’association des idées ont autant de part que le génie individuel. Ce génie même est-il jamais autre chose que la docilité à obéir, dans une sorte d’ivresse, à ces lois ?

Mais une objection se présente. Personne, jusqu’à présent, n’avait suivi la méthode cartésienne avec plus de rigueur et moins de préjugés que David Hume, « le plus sagace des hommes ». Personne n’avait mieux tenu la bonne route, avec plus de sang-froid, et l’on