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SPIR ET SA DOCTRINE

Gesammelte Schriften, Leipzig, F.-G. Findel, éd., 2e édit., 4 vol. in-8°, 1884-1885.
Esquisses de philosophie critique, Paris, F. Alcan, éd., 1 vol. in-12, 1887.




C’est le charme des études philosophiques de faire croire tôt ou tard à ceux qui s’y adonnent qu’ils ont découvert sur telle ou telle question, ou même sur l’ensemble des choses, la vérité. Mais le difficile est de faire partager aux autres cette conviction. Cette difficulté est presque insurmontable quand l’originalité d’esprit n’a pas pour correctif l’autorité que donne le professorat ou la notoriété d’une position classée dans la hiérarchie sociale. Schopenhauer attendit trente ans la célébrité. Un article de revue, composé par l’un de ses très rares lecteurs, la lui donna du jour au lendemain et combla tous ses vœux. Il put en jouir douze années encore et elle ne semble pas près de s’affaiblir. Qu’arrivera-t-il si le philosophe est un étranger, s’il est venu du dehors pour s’instruire, s’il n’a pas trouvé à son gré les leçons qu’il a suivies, s’il est, par circonstance et par caractère, privé de toutes relations ? Il aura beau publier des livres. L’impénétrabilité de la matière n’est rien quelquefois auprès de celle des esprits. La conspiration du silence, bien plus fatale aux idées que les persécutions d’autrefois, s’établit alors d’elle-même, et le novateur est à peu près assuré de mourir sans avoir vu sa doctrine, je ne dis pas acceptée, mais étudiée et comprise.

Tel a été le sort de Spir. Je voudrais renouveler la tentative que j’ai déjà faite, non sans quelques résultats, de signaler aux penseurs les travaux de cet esprit original. Je vais essayer, en donnant, cette fois, tous les renseignements que je crois nécessaires, de faire apprécier, comme ils le méritent à mon avis, l’homme, que j’ai connu, et sa doctrine.