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savait rien, disait-il, que les choses de l’amour. Mais c’était assez, sinon pour édifier de toutes pièces la métaphysique, ou philosophie première, au moins pour la fonder.

Sur cette base devaient l’asseoir Aristote, Descartes, Pascal.


Platon prit pour les types indiqués par Socrate des qualités qui subsistaient par elles-mêmes, invisibles, hors de la sphère des visibles. Ces qualités ou formes, ces « idées », sous lesquelles s’agitait la matière, étaient les véritables êtres dont tout le reste, dans sa mutabilité, n’était qu’imparfaite imitation ; et dans la dernière période de son enseignement, réduisant ces qualités à des quantités, à des nombres, Platon retournait, quoique avec mainte réserve, au pythagorisme ; ses disciples le suivaient, sauf Aristote, et celui-ci put dire : Toute la philosophie est devenue aujourd’hui mathématique.

Retourner aux nombres, c’était abaisser l’idéalisme à un point de vue qui était celui des matérialistes, le point de vue d’où l’on considère comme les principes des choses les éléments qu’elles enveloppent. Les « idées », remarque Aristote, n’offrent rien qui puisse expliquer le mouvement, dans lequel consiste toute la nature ; elles seraient plutôt des raisons d’immobilité. Dès lors on devait en venir à y voir, comme les Pythagoriciens l’avaient fait de leurs nombres, des matériaux plutôt que des causes. Le monde, dit quelque part Platon, est un mélange d’idées.


Tout autre fut le point de vue d’Aristote.

Si l’on n’avait pas réussi encore à atteindre le but où doit viser la philosophie première, et qui est de faire connaître non des attributs et accidents de l’être, mais l’être en lui-même, c’était, suivant Aristote, parce qu’on avait procédé par la considération de pures notions (λόγοι).

Novice encore, l’entendement avait pris pour les principes des objets les modes qui en sont comme des accessoires et qui lui servent à les classer. Au lieu de pénétrer dans l’intérieur des êtres afin d’y découvrir le secret de leur individualité, c’est-à-dire de leur réalité même, il s’était arrêté à ce qu’il détachait de leurs dehors et qu’il érigeait en des existences, en des substances séparées. C’était prendre pour les principes des choses des créations de son art.

Il y avait là, avec une entreprise toute nouvelle d’abstraction, un