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– 23 – matière les puissances divines sont les intermédiaires entre Dieu et la matière, elles sont douées d’une certaine personnalité quoiqu’elles restent immanentes à la divinité par cette théorie on ne saurait nier que Philon se soit écarté du strict monothéisme juif, et aussi bien cette théorie n’a trouvé d’écho en Palestine ni à l’époque de la Mischna ni à celle du Talmud. L’étude de M. ADOLF Schwarz sur les raisonnements enthymématiques par analogie dans la Bible, constitue une intéressante contribution à l’histoire de la logique; un des résultats en est que les raisonnements par analogie si fréquemment mis en œuvre dans l’herméneutique talmudique ont leur origine dans la Bible même. 11 relève aussi dans la Bible plus de trente exemples de raisonnements a minori ad rnajux qui sont sans doute la source du Gol u-acliomer talmudique. Il montre de même qu’une série de comparaisons poétiques de la Bible sont réductibles à la formule du raisonnement par analogie de l’herméneutique juive M est P. S est en a semblable à AI S est P. La conclusion très générale et très import:i ii I du travail de l’auteur est que toutes les opérations logiques du Talmud, le syllogisme, le raisonnement par analogie et 1p raisonnement inductif. sontsortisde la Bible. Al. Horowitz examine les Rapports de la pensée de ïiaadia (iaonuvec le scepticisme grec. Ce dernier parait à peu près entièrement ignoré des philosophes juifs et arabes du moyen àge seul Saadia connait a fond les opinions des sceptiques et en cherche la réfutation. Il essaie de déterminer les causes du doute et de l’erreur et les moyens d’y mettre lin comme le fera .Descartes, il trouve dans l’existence de notre propre moi, dont nous ne saurions douter, une proposition que les plus extravagantes suppositions des sceptiques ne sauraient ébranler. Il caractérise, d’ailleurs assez arbitrairement, quatre classes cil- sceptiques ou quatre degrés dans le scepticisme, et cherche à adapter ses arguments contre le scepticisme en général à chacun des scepticismes particuliers qu’il a distingués. 11 semble que les doctrines sceptiques aient eu autour de Saadia des partisans assez nombreux et influents pour qu’il ait jugé opportun et nécessaire de les combattre. M. Lkopoi.d Comn étudie la théorie du Logos chez l’hilon. Cette théorie est un mélange d’éléments platoniciens, stoïciens, néo-pythagoriciens et juifs; il est impossible de dire avec Edouard Schwartz que le Logos de Philon soit simplement la « parole » de Dieu dont il est question dans la Bible. Philon cite très peu les Psaumes, les prophètes et les autres livres de la Bible tout son effort consiste à expliquer le Pentateuque avec le secours de la philosophie grecque, et cela même rend compte de son éclectisme philosophique. Il reste toujours fort pieux et attaché aux prescriptions de la loi juive, mais il n’en modifie pas moins la teneur des conceptions religieuses du judaïsme par la hardiesse de ses interprétations philosophiques, et il reste à peu près absolument étranger au rabbinisme, probablement à cause de son ignorance de l’hébreu. Certains traits de sa morale sont juifs tels le rang assigné à la piété comme à la première de toutes les vertus, la notion de pénitence et de retour à Dieu, la confiance en Dieu. Mais l’ensemble de ses conceptions éthiques est indubitablement d’origine stoïcienne, et c’est par les théories morales de la philosophie grecque qu’il s’efforce de justifier les préceptes bibliques. La méthode même d’allégorie appliquée par Philon à l’exégèse biblique n’est pas d’origine juive, mais vient des Stoïciens qui s’en servaient pour interpréter les mythes grecs et les poèmes homériques. Le dieu même de Philon n^est plus le Dieu vivant du judaïsme, c’est tô ov, txôvaç, é’v, une abstraction. Et les puissances divines sont expressément identifiées par Philon avec les idées platoniciennes, de même que le Logos de Philon est la loi universelle immanente des stoïciens, et qu’il lui donne volontiers des noms stoïciens le Logos est à la fois la raison divine, la pensée divine et la parole divine. C’est le platonisme et le stoïcisme qui ont déterminé la formation de la philosophie et de L’exégèse philoniennes; Philon n’est point un rabbin, mais un philosophe; il a voulu réconcilier la croyance juive avec la spéculation hellénique, mais dans son œuvre c’est incontestablement la première qui a été sacrifiée. Le système de Philon n’appartient pas à l’histoire de la religion juive, mais à celle de la philosophie grecque. L’amour du prochain dans le judaïsme: c’est, on le sait, une quœstio vexata, à la solution de laquelle M. K. Kohler apporte une notable contribution. La morale juive a pour point de depart l’histoire biblique de l’humanité issue d’un seul couple humain; elle repose sur la notion prophétique de la parenté de tous les hommes bien avant Hillel la loi de l’amour du prochain avait été par le judaïsme étendue à l’humanité tout entière et considéré comme la morale suprême.