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cuter ». Nous ajoutons qu’il est regrettable que la discussion n’en ait pas été faite, car l’établissement du texte fait défaut à la présente édition. En ce qui concerne les sources de la Théologie Germanique, bien des réserves s’imposeraient. L’auteur les fait à notre gré trop exclusivement néo-platoniciennes, nous concéderons volontiers que la pensée de Plotin ait fortement influencé ce traité par l’intermédiaire du pseudo-Denys, mais lorsqu’il s’agit de théories telles que l’incompréhensibilité et l’ineffabilité divines il est bien inutile de citer Plotin et Denys. Cette doctrine était au xive siècle universellement reçue et l’auteur anonyme pouvait la tenir de Duns Scot, Saint Bonaventure, Saint Thomas ou tout autre théologien antérieur. Enfin il semblera peut-être que l’étude de l’influence que la Théologie Germanique a exercée soit imprégnée à l’excès d’une exégèse plus dogmatique qu’historique ; toute la partie relative à saint Paul et qui se fonde sur l’autorité de Renan, de A. Sabatier et de F. Baur, parait supposer des thèses religieuses sous-jacentes dont la présence inquiète l’historien. Ces réserves ne doivent pas nous faire oublier que l’introduction qui précède l’ouvrage contient nombre de renseignements précieux. Mais surtout la traduction française du texte si difficile de la Theologia Deutsche est un travail méritoire et utile. Cet allemand théologique et archaïque, hérissé de difficultés continuelles, constituait un obstacle sérieux contre lequel de vieilles traductions françaises n’étaient que d’un faible secours. Il sera désormais très aisé de consulter un texte dont l’importance est capitale au point de vue de l’histoire du mysticisme médiéval et de l’évolution du protestantisme naissant. Et cela seul constituerait un apport qui n’est pas négligeable.

Hegel. Sa vie et ses œuvres, par P. Roques, professeur agrégé d’allemand au lycée de Chartres. 1 vol. in-8 de 358 p., Paris, F. Alcan, 1912. — H. Roques, regrettant que la France se laisse dépasser dans la connaissance de l’hégélianisme non seulement par l’Allemagne, mais par l’Angleterre, les États-Unis et l’Italie, a « rédigé le présent ouvrage dans la simple intention de donner au lecteur français non spécialiste un fil d’Ariane à travers l’œuvre cyclopéenne de Hegel ». Bien que M. Roques ait lu tous les manuscrits de Hegel, encore en partie inédits, il ne faut pas chercher dans son travail de minutieuses recherches d’érudition, ni de nouvelles interprétations dogmatiques ; on y trouvera une biographie assez détaillée de Hegel et le résumé naturellement extrêmement rapide de ses principales œuvres. Certes nous ne reprocherons pas à M. Roques d’avoir préféré, à une méthode d’exposition dogmatique du système définitif, tel qu’il se trouve dans la dernière édition de l’Encyclopédie, une méthode génétique consistant « à suivre Hegel, à nous intéresser à l’homme au moins autant qu’à l’œuvre, à accorder une importance assez grande à ses petits travaux non systématiques » ; nous reconnaîtrons même qu’en suivant cette méthode, M. Roques a écrit un livre « littéraire, agréable et vivant ». À la vérité, le choix de ce procédé n’excluait nullement, et impliquait au contraire, semble-t-il, des analyses fouillées du système à chacune de ses périodes, des recherches approfondies sur les rapports de Hegel avec ses contemporains, sur les influences subies et exercées par lui, sur les dates critiques de son histoire intellectuelle. À partir de quel moment Hegel s’émancipe-t-il de l’influence de Schelling ? À partir de quel moment sa philosophie religieuse cesse-t-elle d’être toute critique et négative pour devenir positive et respectueuse de l’essence, sinon des dogmes de la religion ? Quelles ont été les relations de Hegel avec les philosophes romantiques, avec Frédéric Schlegel, avec Baader ? À ces questions et à toutes les questions analogues que l’on pourrait se poser, M. Roques n’apporte point de réponse précise. D’ailleurs il ne le pouvait pas : l’évolution de l’hégélianisme est encore trop mal connue dans le détail, l’œuvre de Hegel est trop considérable, trop dense, trop obscure souvent, pour que la méthode génétique puisse être appliquée avec succès à l’œuvre tout entière de Hegel en moins de quatre cents pages ; un volume semblable à celui-ci eût été nécessaire pour exposer la formation et l’état définitif de l’une quelconque des parties du système de Hegel, de la Philosophie du Droit, par exemple, ou de la Logique. Quels que soient les dons d’exposition de l’historien, son intelligence philosophique, son information générale — et M. Roques a tout cela, nous avons plaisir à le dire — c’est une entreprise désespérée de vouloir donner en quatorze pages (pp. 299-313) une idée d’une philosophie de la religion que Hegel a exposée en plus de neuf cents pages. On ne peut que faire des résumés extrêmement généraux et qui laissent échapper précisément tout ce contenu concret auquel Hegel tenait tant et dont il savait remplir ses ouvrages, comme M. Roques a eu grandement raison de le faire observer dans son intéressante Préface. Les défauts du livre de M. Roques sont de ceux aux-