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allégé de développements assez inutiles. Tel qu’il est, il peut faire réfléchir et intéresser.

Morale et Moralité. Essai sur l’intuition morale (Leçons faites à l’Université nouvelle de Bruxelles, 1911), par Paul Sollier, 1 vol., in-12, de 203 p., Paris, Alcan, 1912. — L’idée directrice de cet ouvrage confus est d’opposer à la morale, ensemble des lois, règles, conventions morales réglant les devoirs des hommes dans la société, la moralité, c’est-à-dire la tendance de l’homme à sentir la nécessité de ces devoirs et l’obligation de s’y conformer dans sa conduite.

Ces deux notions désignent des choses hétérogènes et même opposées entre elles. Le domaine des actes moraux est incertain, variable quant à son extension, fixe seulement dans son centre constitué par les actes soumis à la sanction de la conscience individuelle. Le « problème moral » est mal posé ; il enveloppe une foule d’éléments philosophiques, mystiques, religieux, scientifiques : d’où résulte une confusion extraordinaire. Et certes l’auteur dans son exposé réussit pleinement à donner l’impression d’une telle confusion ; peut-être même y ajoute-t-il, en omettant de nous renseigner sur le sens précis qu’il conviendrait de donner à ce qu’il nomme le « problème moral », et en désignant à la fois sous le terme de « morale » les régulations sociales objectives et les systèmes de philosophie morale. À tous ces systèmes est adressé, le reproche de chercher à la morale un fondement unique. Mais « l’École sociologique française » n’a pas réussi à faire plus de clarté, non plus que les conceptions métaphysiques ni les conceptions religieuses, bien que ces dernières, s’adressant au sentiment, soient pratiquement plus conformes à la vraie nature de la morale. Si « le problème moral » est confus, il faut ajouter qu’il est insoluble : car l’intuition morale, présentement supérieure à l’expérience et à la raison pour la pratique morale, n’est qu’un instrument provisoire, non susceptible d’utilisation universelle. La morale n’est pas objet de science. Le vrai critère de la moralité de l’action est le sentiment d’une obligation qui ne peut venir de nous-mêmes, qui n’est qu’une impulsion cherchant à s’extérioriser en acte.

Tout s’éclaire, si on considère non plus la morale, mais la moralité : c’est la tendance à percevoir intuitivement ou à chercher par réflexion les rapports exacts des hommes entre eux et à sentir le besoin d’y conformer le mieux possible ses actes. Elle est l’expression de la personnalité humaine, non le reflet d’une conscience collective ; elle se distingue donc absolument de la morale, à laquelle











elle s’oppose. Elle a sa source dans l’affectivité, forme première et intuitive de la "perception des rapports humains, donnant lieu à une réaction spontanée. Elle se complète et se perfectionne par la-.connaissanèe intellectuelle et la raison. –Comment s’opère ce perfectionnement? C’est ce. qui ne ressort guère des explications au cours desquelles l’auteur n’hésite pasàsupërposer une intuition rationnelle à son-intuition affective. Et cependant c’est cela seul, à dire,vrai, qui eût pu nous instruire; car, si on donne aux mots leur, sens utile, la moralité est tout justement L’organisation de l’affectivité s’élevant à la conscience. Èn

.sorte que de toutes ces dissertations il -ne reste guère que -le témoignage d’un dessein d’instituer, en réaction contre les points de vue sociologiques exclusifs, une étude, physio-psycholôgique de l’activité morale. Mais ce dessein, à travers des discussions où passent des, lueurs ingénieuses, impuissantes à triompher de

l’imprécision constante des termes et des idées, n’aboutit qu’à une thèse psycholõgique dépourvue de consistance.

• Aux écoutes de la France qui vient, par Gaston Riou. Introduction de M. Emile Faguet. l- vol. in-12, de 334 p., Paris, Bernard Grasset, 1913. Le livre de M; Riou, recueil d’articles animés d’un même esprit, n’est pas un livre’de pensée, au sens où nous l’entendons entre philosophes. C’est un livre de polémique protestante, préfacé par, M. Emile Faguet.

Avec une éloquence lyrique un peu débordante, mais souvent heureuse, l’auteur est l’enthousiaste avocat de sa religion. Il exalte les. beaux effets de relèvement moral produits par l’évangélisation .dans les, corons de Valenciennes, ensevelis dans-un abrutissement demi-sauvage. Il dispose contre le parti catholique d’une verve inépuisable. Il déteste cordialement les modernistes, .dont il caractérise l’oeuvre critique avec insuffisance et la soumission avec sévérité. TI se méfie -de la philosophie, de l’action, du libéralisme modernisant de, Paul Sabatier, et-attend à l’œuvre Tyrrell et Loisy pour savoir s’ils. seront des Erasmes ou des Luthers. Il pense que les protestants sont les vrais triomphateurs de-l’écrasement des modernistes par le Vatican, et soutient « l’idée œcuménique », des « Jeune France », pour qui « leséglises protestantes disséminées dans le monde entier sont l’embryon de la libre catholicité de l’avenir », et pour -qui- c’est une question de savoir