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cherche plutôt que des origines. Il va même jusqu’à affirmer que Glanville n’a eu aucune influence sur Hume (p. 49-62), ce qui est beaucoup trop dire. Quoi qu’il en soit, il ne cesse d’opposer, au caractère superficiel de la pensée de Glanville qui, la plupart du temps, ne voit pas les questions, ou les esquive, le caractère systématique et vraiment philosophique de la pensée de Hume. Le scepticisme de Glanville consiste à insister sur la faiblesse de l’entendement pour garantir la religion contre toute attaque inspirée du dogmatisme scientifique ; ce scepticisme repose sur une conviction religieuse, il ne résulte pas d’une critique de la connaissance ; Glanville doute de la science, mais il ne doute pas de la préexistence des âmes ni de la réalité de la sorcellerie ; plus exactement Glanville ne met pas en question la science, dont les succès le remplissent d’espoir, mais une fausse science qui enorgueillit l’homme et l’éloigne de la religion ; aussi passe-t-il en revue toutes les causes d’erreur et toutes les lacunes dont souffre la science humaine : nous ne connaissons ni nous-mêmes, ni les choses ; le mouvement, la lumière, la couleur, la gravitation nous sont des mystères ; nous ignorons comment l’âme meut le corps, nous ne savons rien de l’essence de l’âme ; nous pouvons mettre en doute tout ce que nous avons cru vrai ; nos sentiments et nos passions, en troublant l’intelligence, causent notre « pauvreté intellectuelle » ; seule la mathématique est certaine parce qu’elle est indépendante des intérêts égoïstes. Chez Hume le scepticisme est le résultat d’un empirisme conséquent (pp. 27-36). Glanville n’est un peu précis et n’est le précurseur de Hume que lorsqu’il développe l’inintelligibilité du rapport de cause à effet : l’intuition ne nous donne pas la connaissance des causes ; la causalité est « insensible » ; on la déduit de la concomitance, ce qui est une illusion visible. On ne connaîtrait vraiment une chose que si l’on saisissait sa cause première, ce qui est impossible ; pour connaître une cause, il faudrait connaître la totalité des causes dans la nature, car elles se tiennent toutes ; dans la plupart des cas on ne perçoit aucune ressemblance entre la cause et l’effet supposés, par exemple, entre l’œuf et l’oiseau. On voit jusqu’où Glanville est allé dans sa critique de la causalité et où il s’est arrêté. Il tient d’ailleurs essentiellement à ne pas passer pour sceptique ; il croit à la science, sinon à un savoir universellement valable, et il croit à la religion ; il les unit et les réconcilie dans la free and real philosophy qui nous apprend à être modestes, à ne pas croire, savoir plus que nous ne savons ; la raison et la foi sont d’accord quand l’imagination et le dogmatisme ne se mêlent pas de détruire cet accord. M. Petrescu montre pour finir que Hume pas plus que Glanville ne s’arrête au scepticisme, mais qu’il le dépasse pour des raisons très différentes de celles qui inspirent Glanville.

Immanuel Kants Werke, vol. I, 1 vol. gr. in-8 de 542 p., Berlin, Bruno Cassirer. — La librairie Cassirer entreprend la publication en 10 volumes, par souscription, des œuvres complètes de Kant, y compris les fragments posthumes et la correspondance. Le prix de l’ouvrage entier sera de 70 mark. L’aspect extérieur et l’impression de ces volumes sont magnifiques ; bien que le texte ait été soumis à une révision soigneuse, les traces de ce travail philologique n’apparaissent pas dans le texte même, de même aucun commentaire exegétique n’accompagnera le texte, sauf pour les deux volumes consacrés à la correspondance ; mais l’édition complète sera suivie d’un index général, d’un volume d’Ernst Cassirer la Vie et la doctrine de Kant et d’une étude d’Hermann Cohen sur l’action exercée par Kant sur la science et la culture. Ce premier volume, publié par Arthur Buchenau, contient une première série d’écrits précritiques, celle qui va de 1747 à 1756 ; les volumes suivants seront publiés par Buchenau, Cassirer, Görland, Kellerman et Buek. Le soin avec lequel les différentes Ieçons ont été, à la fin du volume, colligées, les sains principes de critique suivis par les éditeurs, et l’excellent aspect du livre (qui rappelle un peu celui du Descartes d’Adam-Tannery) nous font souhaiter un plein succès à cette utile publication.

Grundlinien der Philosophie des Rechts, par G. W. Hegel, nouvelle éd. par. G. Lasson, 1 vol. de xcv-380 p. Philosophische Bibliothek, vol. 124 ; Leipzig, F. Meiner, 1911. — La nouvelle édition de la Philosophie du droit de Hegel que publie M. Georg Lasson est caractérisée par ce fait que les additions introduites par Gans dans l’édition des Werke, et tirées des leçons orales de Hegel, ne sont plus mêlées au texte primitif de 1821, mais rejetées à part en appendice ; et que les nombreux renvois faits par Hegel en 1821 à l’Encyclopédie et à la Phénoménologie, et supprimés par Gans, sont rétablis à leur place. Les corrections introduites par M. Lasson dans le texte assez fautif de l’édition de 1821 et de celle de Gans sont pour la plupart