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Grands Philosophes, Alcan, 1908. — Dans cet ouvrage, où il est visiblement préoccupé de limiter son sujet, afin de pouvoir le traiter par une méthode strictement analytique et en suivant de près les textes de ses deux auteurs, M. van Biéma part des jugements que Kant a portés sur Leibniz, il examine la portée de la condamnation que la Critique de la Raison pure a formulée contre l’intellectualisme leibnizien, il signale la position que quelques années plus tard Kant a prise dans sa polémique avec les représentants du dogmatisme leibnizo-wolfien, et qui lui permet de réclamer pour l’idéalisme critique le meilleur de l’héritage de la monadologie. Qu’il y ait donc entre Leibniz et Kant un double rapport et de ressemblance et d’opposition, c’est sans doute ce que Kant serait disposé à admettre ; et c’est ce qu’il est possible de vérifier, sous réserve de bien des rectifications de détail, par l’étude directe des théories de Leibniz et de Kant sur l’espace et le temps. Trois questions essentielles se posent à propos de ces notions qui sont pour Leibniz et pour Kant deux notions parallèles et impliquées en quelque sorte dans une même destinée : à priorité ou à postériorité, subjectivité ou objectivité, intellectualité ou intuitivité. Or, sur les deux premiers points, le kantisme rompt moins avec le leibnizianisme qu’il ne le complète et ne le précise. Leibniz avait déjà montré comment l’à postériorité psychologique pouvait n’être pas exclusive de l’à priorité logique ; en rattachant l’espace et le temps à la représentation que la monade se fait de l’ordre universel, il ouvre la voie à la conception kantienne de la subjectivité. En revanche, l’opposition est formelle entre la thèse de l’intellectualité et la thèse de l’intuitivité ; c’est par elle que se marque l’originalité de l’Esthétique transcendentale, c’est à elle que se rattache la révolution critique. Pourtant, si nous avons bien compris la pensée de M. van Biéma, il ne lui apparaît pas que l’opposition doive demeurer irréductible. De même que l’à priorisme logique n’est pas incompatible avec l’à postériorisme psychologique, de même que l’idéalité transcendentale se concilie avec la réalité empirique, de même on peut accorder que l’espace et le temps soient donnés à titre d’intuition et pourtant susceptibles d’une certaine réduction analytique qui permette de satisfaire aux exigences de l’entendement. Tel est, brièvement indiqué, le contenu de la thèse de M. van Biéma ; elle est écrite avec une conscience










scrupuleuse, un vif sentiment de la difficultés de certaines questions délicates, comme par exemple la détermination du sens exact de l’a priori kantien, le rapport des’expressions d’intuition et de formes d’intuition. Nous regrettons pourtant , que la forme laborieuse à l’excès donne parfois à la pensée de l’auteur une apparence d’indécision et d’obscurité. Et surtout nous nous demanderons si M. van Biéma n’aurait pas dû,’engager plus résolument dans la voie que son premier chapitre semblait avoir ouverte puisqu’il insistait sur les variations de Kant dans ses appréciations de Leibniz, ne devait-il pas étendre ses investigations à la période qui précède la publication de la Raison pure et suivre, à travers les diverses influences d’ordre scientifique ou philosophique que Kant a pu subir, l’évolution de ses conceptions spéculatives, et trouver dans le mode de formation des doctrines l’explication des incertitudes de vocabulaire ou même des oscillations de détail que les expositions ultérieures devaient présenter ?

L’évolution du protestantisme français au XIX’siècle, par C. Gôignet. 1 vol. in-lô de 112 p., Paris, Alcan, 1908. Le mouvement religieux a pris, en France, à l’heure actuelle, une allure très paradoxale. Les deux églises orthodoxes, la grande Église catholique, la petite Église protestante, semblent l’une et l’autre fossilisées. Le seul groupe chez qui la religion semble vraiment vivante et progressive, c’est le petit groupe des modernistes, dont le catholicisme ne veut pas, et qui ne veulent pas du protestantisme. Mais par ie fait qu’ils persistent, alors même que Rome les excommunie, à se déclarer antiprotestants, c’est en fin de compte l’Église romaine qui bénélicie de leur propagande et le protestantisme français reste oublié. Il faut remercier M™ Coignet de rappeler l’attention sur une minorité religieuse qui a joué un si grand rôle sur l’histoire de l’esprit public en France au xix* siècle. Ce sont des protestants qui ont surtout contribué à l’organisation, presque à la création, de l’enseignement primaire d’état. Ce sont des groupes protestants qui ont servi de noyau au nouveau parti républicain sous l’Empire. Enfin la doctrine de Renouvier, qui constitue une des formes les plus originales de la spéculation métaphysique enFrance au cours du dernier demisiècle, s’est donnée, expressément, pour un protestantisme philosophique. M"" » Coignet résume brièvement l’histoire du protestantisme français depuis Lefebvre d’Etaples et Calvin, mais surtout depuis la Révolution et le Consulat jusqu’à nos