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doctrine de La liberté ; puis, ce choix fait, écartant toute opinion préconçue, il ne s’est soucié que d’expliquer les textes de Descartes en les mettant en corrélation avec d’autres textes, tirés soit des auteurs scolastiques qui inspiraient l’enseignement au collège de la Flèche, soit des écrivains contemporains auxquels Descartes se réfère expressément. À la façon tout à fait sérieuse et tout à fait pénétrante dont il a pratiqué la méthode historique, prise avec toutes ses ressources comme avec toutes ses exigences, M. Gilson a dû d’arriver à un résultat qui était inattendu. La Doctrine Cartésienne de la Liberté se divise en deux parties : doctrine de la liberté divine, doctrine de la liberté humaine, qui présentent à l’historien et au philosophe des caractères tout différents.

La doctrine de la liberté divine est homogène et forte. En opposition avec la tradition scolastique, sans relation directe avec les thèses de Duns Scot et de Mersenne, où l’on a voulu en retrouver les sources, elle se rapproche du mouvement néo-platonicien qui se développait dans l’Oratoire naissant sous l’inspiration du cardinal de Bérulle et dont le P. Gibieuf donne la formule théologique. Mais ce qui appartient en propre à Descartes, c’est d’avoir appuyé, sur la distinction entre la volonté absolument libre de Dieu et les vérités qui sont créées par elles, l’exclusion de ces causes finales qui demeuraient pour la scolastique le principal ressort de la physique : d’où résulte la possibilité de donner à la science un développement indépendant de toute restriction anthropocentrique.









Au contraire, la doctrine cartésienne : de la liberté humaine parait à M. Gilso.n embarrassée, inconsistante, instable.Voici comment, semble-t-il, fa courbe s’en dessine à travers les textes. Le point.de. départ est théologique ; Descartes transpose, en les appliquant au problème, de l’erreur, les éléments de la doctrine thomiste du péché : pour décharger Dieu de la causalité de nos erreurs, il est amené à insister sur l’action réciproque —de l’entendement et de la volonté, et sur la suprématie radicale de la volonté, qui.constitue l’acte propre du jugement ; mais il laisse coexister les deux thèses, comme faisaient les scolastiques, sans en chercher encore la conciliation et l’unité. C’estici que M. Gilson fait jouer au de Libertale, du P. Gibieuf, paru en 1630, lu par Descartes en 1631, un rôle décisif. Dèscartes y trouvait, en effet, une critique de la liberté d’indifférence, une définition, , de la liberté comme pouvoir de ne pas

pécher, qui permettaient de rapprocher liberté-et raison ; c’est sous cette inspiration qu’il écrit la quatrième Méditation. -Comment expliquer dès lors que les Principes de Philosophie ne fassent plus mention de cette doctrine et que dans les lettres au P. Mesland de 1648, Descartes batte en retraite jusqu’à se déclarer d’accord avec le P. Petau pour reconnaitre dans la volonté, prise dans son essence et avant le choix d’un acte particulier, un principe radical de contingence ? En suivant le détail des événements dans Thistoirede la pensée religieuse, M. Gilson croit devoir, rapporter ce changement dans l’attitude de Descartes à l’éclat soulevé par la— publication posthume de VAugustinus, et qui va jusqu’à compromettre dans le « scandale janséniste » l’œuvre théologique du P. Gibieuf et la mémoire du cardinal de Bérulle. Le philosophe aurait sacrifié l’unité et la cohérence de la doctrine de la— liberté humaine au désir de mettre sa. physique à l’abri, à. l’espoir même de la faire, adopter par les. Jésuites— dans l’enseignement de leurs collèges.

Telles sont les.thèses de M. Gilson elles s’appuient sur le détail des textes’et des faits ; c’est dans le détail qu’il conviendrait de les discuter, s’il y avait lieu. D’une façon générale on peut seulement se demander si M. Gilson n’a" pas restreint quelque peu l’horizon de sa recherche en séparant les points, de doctrine qu’il examine du lien méthodique qui les unit à l’ensemble du système et auquel Descartes attribue une importance capitale – s’il n’y avait.pas lieu de faire le départ entre les convictions rationalistes que Descartes n’abandonne jamais dans sa doctrine de liberté, et les détours d’expression auxquelles il consent, comme à des concessions purement. diplomatiques – si l’on pouvait faire abstraction enfin des influences stoïciennes qui, à travers les auteurs classiques comme Cicéron, avaient t dû s’exercer sur Descartes dès l’époque de son « initiation ; — littéraire ». Mais sans doute le travail actuel de M. Gilson n’estil que l’amorce d’une étude d’ensemble sur le cartésianisme, où l’élargissement de l’interprétation s’accomplira de lui-même ; il’faut seulement savoir gré à M. Gilson d’avoir présenté^ cette œuvre non sous la forme assez vaine d’un programme général, mais-comme une enquête particulière où il a fait ses preuves d’historien patient, probe, original.

Gegénstaiidstheoretisch.8 Grundlagen der Logik imd Logistik, par

_Ernst MALLY, 1 vol. in-8 de 87 p., Leipzig, Barth, 1912. – Ce petit livre est divisé