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garantit pas plus contre les concepts vides que la notion de possibilité logique ; mais on peut aussi dire tout au contraire — et c’est la thèse de M. Pichler, — que le concept de possibilité logique, considéré comme postulat, exclut, aussi bien que le concept kantien de possibilité réelle, les concepts vides. Le travail de M. Pichler est donc un essai de justification de la possibilité logique ; M. Pichler a voulu y que « la notion de possibilité logique n’est pas seulement le programme du rationalisme théorique, mais possède encore une raison d’être, que cette notion est en elle-même quelque chose de rationnel. » M. Pichler réfute l’objection kantienne par cette simple remarque qu’ « il n’y a pas de concept vide » (p. 3). Après les succès de sciences qui ne prouvent pas la réalité de leurs objets, comme la métagéométrie, on ne saurait douter de la valeur de la simple possibilité logique ; et Meinong a, par sa Gegenstandstheorie, réhabilité en quelque sorte, au point de vue de la théorie de la connaissance et de la méthodologie, les objets qui n’ont qu’une justification purement logique : il y a des sciences dont les connaissances ne sont pas des connaissances catégoriques d’objets. Les concepts « vides » avec lesquels opèrent les sciences dont les théorèmes ne sont vrais qu’à titre de propositions hypothétiques, ne sont pas vides absolument ; même dans le concept de triangle carré on pense quelque chose ; et il ne faut pas confondre avec l’objet du concept le contenu du concept, de même que des jugements peuvent avoir un sens sans être vrais, des concepts peuvent avoir un contenu sans avoir d’objet qui leur réponde. La pensée d’une contradiction peut n’être pas elle-même contradictoire ; et penser une contradiction ne serait impossible que s’il était également impossible de ne pas penser cette contradiction, « ceux-là seulement peuvent trouver absolument impossible de penser quelque chose d’impossible, qui formulent le principe de contradiction de la manière suivante : il n’y a pas de contradictions » (p. 11). Après avoir soigneusement distingué les diverses significations qui peuvent être données aux mots de possibilité et de non-contradiction (p. 11-13), et successivement examiné l’absence de contradiction par rapport à toutes les propositions vraies et l’absence de contradiction par rapport à toutes les propositions a priori (p. 16-34), M. Pichler conclut : « L’unique raison pour laquelle la possibilité est déterminée, non pas par l’absence de contradiction par rapport à toutes les propositions vraies, mais seulement par l’absence de contradiction par rapport aux propositions a priori, cette raison unique est que l’existence et la non-existence ne permettent nullement de juger de la possibilité. Le même rapport que les jugements a posteriori ont avec l’existence, les jugements a priori l’entretiennent avec la possibilité et l’impossibilité. » Au vrai la définition de la possibilité par l’absence de contradiction n’a de sens, pour M. Pichler, que si l’on veut parler de non-contradiction interne ; seule la non-contradiction interne constitue une possibilité purement logique. Seulement une telle définition de la possibilité ne suffit pas pour vous garantir contre les concepts a priori vides de contenu ; car, s’il y a, comme le veut Kant, des jugements synthétiques a priori, un concept dépourvu de contradiction interne peut fort bien être vide a priori. L’absence de contradiction interne ne garantit la possibilité objective que dans le cas où, à l’absence interne de contradiction dans une proposition, correspond une contradiction interne dans la proposition contradictoire : on a alors affaire, non plus à une simple possibilité logique, mais à une nécessité logique : dans ce cas la possibilité objective correspondra toujours à l’absence interne de contradiction. Une telle coïncidence de l’absence interne de contradiction et de la possibilité objective se retrouve dans toutes les sciences rigoureusement déductives, dans tous les « systèmes » dont les concepts fondamentaux possèdent la possibilité objective, l’objectivité : l’arithmétique, la géométrie, la mécanique, la géométrie des couleurs, la logique même en un certain sens, sont de tels systèmes. Si les définitions y sont objectives, l’absence interne de contradiction entraîne toujours possibilité objective. Mais le concept logique de possibilité n’a pas et ne peut pas avoir d’application universelle : son domaine est limité par l’inévitable existence de jugements a posteriori portant sur des objets existants. Les objets de l’expérience ne sont déterminables par aucune règle : ils ne sont donc pas définissables et il en résulte qu’il doit y avoir des jugements a posteriori, que les sciences ne peuvent être parfaitement apriorisées, que toutes les « vérités de fait » ne sont pas « vérités éternelles », que toutes les propositions synthétiques ne sont pas analytiques, et que la possibilité objective ne peut pas toujours être logiquement connue. La notion de possibilité logique n’a qu’un domaine limité. Mais il ne suit pas de là qu’elle soit fausse. Nous n’avons pu donner qu’une faible idée du remarquable