Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 1, 1910.djvu/2

Cette page n’a pas encore été corrigée

en trois moments distincts, analogues aux trois moments de la recherche expérimentale. Le philosophe procède d’abord à une analyse de la réalité ou plutôt de la connaissance que nous en donnent les diverses sciences (c’est sa manière à lui d’observer), pour en dégager les caractères et les éléments principaux. Sur cette base, il imagine une hypothèse : une philosophie ne peut jamais être autre chose puisque le premier principe ne peut être objet d’expérience ; vient enfin la vérification qui consiste ici dans l’explication des divers aspects de la réalité à l’aide du principe supposé. La valeur de l’hypothèse philosophique, aussi bien que des théories scientifiques, se mesure, comme le dit M. Fouillée, « au degré d’intelligibilité qu’elle répand sur l’univers ». Cette explication de toutes choses par l’hypothèse philosophique est une synthèse. C’est pourquoi M. Naville s’est proposé de montrer, en partant de l’analyse du réel pour en reprendre ensuite la synthèse, que de tous les systèmes le plus plausible est le spiritualisme. Mais il convient lui-même que son analyse est bien sommaire, que sa synthèse n’est qu’un aperçu et que l’essentiel de son livre c’est la confrontation des trois grandes doctrines, le matérialisme, l’idéalisme, le spiritualisme, envisagées seulement à titre d’hypothèses, en leur définition abstraite, ou relativement aux seules données d’expérience qui les ont suggérées.

On prévoit assez quel peut être l’aspect de cette étude. M. Navilie nous y apparaît comme le dernier des éclectiques ; c’est moins encore l’esprit de Haine de Biran que celui de Cousin, de Jules Simon ou de Paul Janet qui anime ses expositions. On y goûte — soit dit sans aucune ironie — une simplicité et une candeur philosophiques que nous ne connaissons plus. Le cœur y est appelé, quand il convient, à suppléer à l’impuissance démonstrative de la raison ; la préoccupation des conséquences morales des doctrines s’y fait constamment sentir, et tout cela nous reporte bien loin de cette critiqua plus profonde assurément et plus hardie, mais un peu trop désintéressée et un peu sèche, des données de la raison et des résultats des sciences qui est presque toute la philosophie de notre temps. Saluons donc en M. Naville le dernier de ces sages, modérés, circonspects, un peu timides, mais pleins d’âme, qui ont honoré la philosophie française pendant un demi-siècle et exercé par leur enseignement, quoi qu’en ait pu dire Taine, une heureuse influence sur le progrès des idées libérales et des méthodes rationnelles.

Étude sur l’espace et le temps, par Georges Lechalas, Deuxième édition, revue et augmentée. 1 vol. in-8 de 327 p., Paris Alcan, 1910. — La première édition de l’ouvrage de M. Lechalas, auquel M. Couturat avait consacré une importante note critique (Revue de Métaphysique et de Morale, année 1896, p. 646-669), ne comprenait que 201 pages in-16. C’est dire que cette seconde édition est pour une grande part un ouvrage nouveau, où l’auteur fait, du point de vue original où il s’est placé, la revue des multiples travaux qui ont paru dans ces dernières années sur l’histoire et sur la philosophie de la géométrie et de la mécanique. L’étude de l’espace est particulièrement développée à cet égard ; elle est devenue un résumé synthétique des divers ordres de géométrie : les travaux logistiques de Pieri et le travail logique de Hilbert, la géométrie numérique de Tilly, la géométrie projective de Staudt sont exposés dans leurs idées essentielles. Puis M. Lechalas analyse la géométrie métrique en









suivant l’ordre, des dimensions, guidé par cette idée fort intéressante que les, ““ diffloultis rencontrées par Jts gtomitres dans la détermination des longueurs, ou des surfaces, ou des volumes, se résolvent par la. considération d’un espace a un «  dimension de plus qu’ainsi les geomëtrie-s à trois dimensions, et même la géométrie i euclidienne pour le paradoxe des objets symétriques impliquent la géométrie i t quatre dimensions. Le lien est établi h j, : “ t la ibis entre les gèométries non-eu"lit diennes et la géométrie à n dïmeni sions, qui sont des cas particuliers de i la géométrie générale. M. Lechatas fait, “ l’histoire de la géométrie générale la î défend avec une vigoureuse netteté contre les objections philosophiques ou techniques qu ou lui a. opposées et en dégage la porté* ; de la géométrie générale, il tire une conception rationaliste de la science qui s’appuie, sur les suggestions t initiales de l’expérience mais qui dépasse l’horizon de l’expérience. Le rationalisme scientifique de M. Lechalas est en même temps un rLalisme scientifique de là les i nouvelles questions que pose l’application de la forme mathématique à l’univers, difficultés qui se retrouvent dans la mèeanique (et M. Lecha’a& complète ici son premier exposé à l’aide des recherches historiques de AI, Duheni) aussi bien que dans la géométrie. Ces difficultés se présentent sous une forme plus aiguë daas la seconde édition que dans la pre— j :  : miëre. En tant que mathématicien rationa °iste. M— Lechalas accepte pleinement la thùorte ilea ensembles de C&utor et