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hommes du temps présent perçoivent l’imperfection, la stérilité d’une discipline uniquement fondée sur le développement de l’esprit positif. D’où viendra la solution d’une telle difficulté? Non dans la soumismission à quelque monde invisible qui

s’imposerait à l’homme du dehors, en se distinguant de lui, c’est-à-dire, en fin de compte, en le rejetant dans l’ordre purement naturel. La solution la plus acceptable est celle que M. Gibson appelle « antbropothéiste» il s’agit, pour l’homme, de réaliser pleinement la nature humaine, reconnue comme le centre du monde naturel, par un épanouissement de la vie spirituelle en lui. A un certain degré de ce développement, les différentes consciences s’interpénétrent pour former un monde spirituel, dont le progrès est la réalisation de cela même que les anciennes religions appelaient Dieu. M. Gibson complète cette théorie, qui n’est pas neuve, par des vues intéressantes sur les problèmes de la liberté, de la contingence et du mal moral. Rajeunissant la théorie aristotélicienne de la puissance et du possible, il se considère comme obligé d’admettre que le possible, tout en se distinguant du nécessaire, n’en est pas moins réel. Or la liberté humaine est en quelque sorte un tissu de ces possibles réels :> c’est en tant que nous sommes entourés de telles possibilités, qui rayonnent de notre individualité comme d’un foyer, que nous sommes libres. Quelle sera la relation de cette liberté avec la divinité? Dieu n’étant Dieu que « dans et avec l’homme n’absorbe pourtant pas les individus à la manière du Dieu du-panthéisme. Par Dieu, il faut entendre « le Principe Personnel suprême de la vie spirituelle, le Principe tel que notre union avec lui fait de nous des personnes et des fins pour elles-mêmes ». Mais que devient le péché dans cet « universalisme » ? Le péché, par nature, implique une séparation de l’homme d’avec Dieu, mais cette séparation elle-même implique la possibilité de la réunion, ou rédemption; et par conséquent, pour autant que cette possilité est une connexion réelle, la séparation n’est pas une distinction radicale « Bien que Dieu ne renferme pas actuellement la vie du pécheur en tant que

pécheur, il la renferme pourtant en puissance. Pour le pécheur, Dieu reste la grande Possibilité. »

The Fundamental Principles involved in Dr Edward Caird’s Philosophy of Religion, by Dr W. 0. LEwis. 1 brochure in-8 de 62 p., Liepzig, Quelle et Meyer, 1909. L’auteur présente son travail comme *devant être un exposé critique du livre de Caird The Evolution of Religion (2 vol. Glasgow, 1899), pris comme un échantillon, du néo-hégélianisme anglais. En fait, c’en est une réfutation qui ne laisse subsister presque rien de l’ouvrage. Le fond de la critique de M. Lewis porte sur la classification, longuement développée par Edw. Caird, des religions en objectives, subjectives, absolues. Selon Caird, il n’y a pas là seulement un arrangement logique, mais surtout un ordre historique; les religions primitives étant objectives, c’est-à-dire que leurs dieux font partie du monde extérieur à la conscience du fidèle; et les religions subjectives étant représentées par un stade plus avancé de l’évolution (bouddhisme, stoïcisme, judaïsme), où Dieu est conçu comme un principe d’activité intérieure en l’homme. La vraie religion (absolument parlant) est le terme ultime de cette évolution c’est le christianisme, non tel que nous l’observons aujourd’hui, mais le christianisme parvenu à un état d’équilibre tel que les éléments objectif et subjectif s’y harmonisent parfaitement.

M. Lewis, suivant de près la pensée de Caird, n’a pas de peine à faire voir, d’abord toute la confusion des définitions primordiales, et la faiblesse des critères invoqués par Caird pour discerner telle religion objective de telle religion subjective puis les erreurs de détail dans l’application de cette classification, erreurs qu’il faut attribuer à l’ignorance de Caird touchant les recherches des sociologues contemporains. Mais M. Lewis fait justement remarquer que, même en se plaçant au point de vue de l’auteur, en acceptant ses définitions et ses postulats, on ne saurait le suivre dans les applications qu’il fait de sa théorie. C’est ainsi qu’il considère la religion grecque comme objective, et celle dçs Juifs comme subjective mais le caractère des interventions personnelles de Jehovah dans le monde sensible ne diffère pas du earactère des interventions analogues de Zeus. D’autre part, comment Caird peut-il ranger le stoïcisme parmi les religions subjectives, dont le principe caractéristique est la croyance en un Dieu transcendant On ne peut pas non plus accorder à Caird que le judaïsme soit un strict monothéisme. Quant au christianisme, dont le Dr Caird veut faire la « vraie religion ",ce n’est, remarque M. Lewis, que l’ombre du christianisme, puisque Caird n’accepte presque rien de l’enseignement de Jésus, ni des dogmes établis par les diverses sectes. Essays on Evolution, 1889-1907, by Edward Bagnall Poitltoïï.,1 vol. in-8 de xlviu-419 p., Oxford, Clarendon Press,