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l’homme. Aussi les représentations élaborées « sur le modèle des choses sociales » ont-elles pu aider l’homme à se représenter des faits d’ordres très différents.

Quant à l’avenir de la religion, deux considérations intéressent surtout M. Durkheim.

La religion a été jusqu’ici, autant que nous pouvons l’étudier à travers l’histoire, un phénomène essentiellement social. Historiquement, la religion el la société sont étroitement liées. L’action exercée par la société sur les individus, — au dedans, par une infinité d’influences inconscientes, au dehors, par de nombreuses prescriptions, interdictions, coutumes et traditions, — a pour effet d’établir en eux, dans leur vie et dans leur pensée, le contraste dominateur entre les choses sacrées et profanes, élevées et basses, idéales et sensibles. Et les rites communs des grandes fêtes font naître l’enthousiasme, l’élan sublime qui est la source éternelle du sentiment religieux, et qui en conditionne l’existence à travers les siècles. Mais de nos jours il en est autrement. L’époque actuelle est une époque de transition. L’individualisme a prévalu en même temps que la division du travail. Nous ne saurions plus célébrer, de tout notre cœur, les fêtes qui faisaient les délices de nos aïeux. Nous allons chacun notre chemin. Si le propre de toute religion, à partir des formes les plus élémentaires, a été jusqu’à présent de constituer le fonds spirituel commun à un groupe d’hommes, dont la force vitale est nourrie et renouvelée par le moyen des solennités qui les réunissent tous, on a beaucoup de peine à se figurer comment il pourra bien y avoir une religion à l’avenir et dans quelles conditions pourra naître cette religion nouvelle. La solution de l’énigme, si tant est qu’elle en comporte une, se dérobe à toute conjecture. Il existe sans doute, à l’heure qu’il est, un idéalisme religieux, se manifestant sous la forme d’une religiosité intime, subjective, dont la nature varie suivant les individus. Mais la sociologie ne considère que les faits réalisés et bien établis, et la grande question est de savoir si cet idéalisme religieux pourra prendre le caractère d’un fait suffisamment avéré pour être étudié d’une façon objective. En sociologie la religion ne compte que par son passé.

A côté des relations entre l’esprit social et l’esprit individualiste, les rapports de la religion et de la science doivent également être pris en considération quand on entreprend de dresser le bilan de la religion de l’avenir. Et d’abord nous pouvons regarder comme établi