Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 6, 1914.djvu/120

Cette page n’a pas encore été corrigée

il s’agit pour lui non seulement de décrire les dogmes et les cérémonies mais de trouver le fond réel qui leur a servi de substrat et qui leur donne leur véritable signification. — bref, le côté éternel et humain de la religion. Le sociologue admet que la religion est née de la vie réelle, d’un besoin de l’homme, qui persiste, plus ou moins intense à travers les âges.

La plupart des théories sur la nature et le fondement de la religion sont impuissantes à expliquer ce fait que, malgré toutes les résistances, en dépit de toutes, les critiques, la religion persiste. Il faut donc croire qu’elle répond à un besoin particulier, à une force spéciale de la nature, humaine. S’il était vrai, comme le suppose la doctrine animiste, que la religion est née de représentations formées pendant le rêve et prises ensuite pour des sensations concrètes, ou bien si elle était due à des interprétations fausses de la nature, comme le veut la doctrine naturiste, il y a des siècles qu’elle aurait fait son temps. Mais le besoin qui produit la religion n’est pas un besoin de comprendre, c’est au contraire un besoin de vivre, d’obtenir de la force et de la sécurité dans la lutte pour l’existence. M. Durkheim prend donc franchement parti contre la, conception intellectualiste de la religion.

Celui qui prétend chercher l’origine de la religion doit ayant tout se rendre compte que la conscience religieuse est incapable de s’expliquer, par elle-même, l’impulsion, l’élan qui agit en elle et la pousse en avant. Elle. cherchera volontiers dans son entourage la cause des mouvements qui l’agitent. Pour bien comprendre ce fait, il sera pratique d’étudier les formes les plus simples, les plus élémentaires de la religion, Non pas qu’on puisse poser en réglé générale que les formes élémentaires de la religion expliquent les formés plus développées — et la réciproque n’est pas vraie non plus ; — mais les formes élémentaires ont ceci de bon de ne pas offrir cette foison de mythes et de dogmes, que nous verrons dans la suite sortir de l’imagination populaire et de celle des prêtres. Dans l’ordre religieux comme dans l’ordre social, rien que le strict nécessaire. Surtout, les différences individuelles ne se font pas sentir à ces stades primitifs. Toutes les consciences suivent le même sillage. Le type individuel et le type social se confondent. C’est cette religion élémentaire que. M. Durkheim trouve représentée chez les habitants de l’Australie centrale, et qui a été si excellemment décrite dans ces derniers temps par Spencer et Gillen et par Strehlow.