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disciplines qui considèrent, chacune de son point de vue différent, la vie multiforme de l’esprit. Comte, déjà, assignait, pendant la dernière période de sa production, à la morale une place autonome à côté de la sociologie. Et je suis convaincu qu’un jour viendra où l’on verra, dans la psychologie, la théorie de la connaissance et la philosophie de la religion, autant de disciplinés représentant, au même titre que la sociologie, des points de départ indépendants ; – ce qui ne les empêchera pas de se mettre, sous bien des rapports, à l’école de cette dernière. Je sais que M. Durkheim ne sera pas tout à fait de mon avis ; mais je tâcherai de montrer qu’en dehors des connaissances positives que nous pouvons tirer de l’ouvrage en question, qui marque un grand progrès dans son ordre de recherches spécial, — nous constatons à la lecture, d’une part, combien la sociologie se sert, en fait, de données empruntées à la psychologie et à la théorie de la connaissance et, d’autre part, que, considérée en ses dernières conséquences, elle nous conduit à reconnaître l’importance de ces autres disciplines de la science de l’esprit. C’est de ce côté qu’un philosophe est naturellement amené à envisager le livre de M. Durkheim. Aux yeux d’un sociologue du métier, elle aura sans doute une importance que je ne suis pas compétent pour exprimer. Mais, à mon sens, la portée de J’œuvre dépasse de beaucoup le domaine de la sociologie pure. Je viens d’y puiser, pour ma part, non seulement des connaissances sociologiques, mais aussi des éclaircissements et des confirmations touchant des problèmes qui ne relèvent pas de la sociologie proprement dite. J’ai rencontré là, rectifiées ou vérifiées, des idées auxquelles j’étais arrivé moi-même par voie psychologique. Et voilà précisément ce que je me propose de faire voir dans ce compte rendu où je caractériserai, et critiquerai de mon mieux, cette œuvre si richement documentée, si admirablement menée à bien.

I

Laissant à l’historien et à l’ethnographe l’étude des événements et des us et coutumes de temps et de lieux déterminés, le sociologue selon M. Durkheim pénètre plus avant. Pour lui, l’essentiel c’est de découvrir les forces qui régissent la vie humaine, aujourd’hui comme autrefois, les réalités qui se manifestent à travers les événements de l’histoire et les mœurs des peuples. En matière religieuse,