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connaissable ; du point de vue philosophique on ne peut jamais reconnaître à Dieu l’existence comme un prédicat, comme un attribut. Même l’attribut positif de l’existence doit être écarté ici de Dieu. Selon Maïmonide, dans la sphère de la science pure, tout jugement portant sur n’importe quel attribut de Dieu est interdit.

Malgré tout cela, en ce qui concerne la croyance, l’expérience des actions de Dieu est préservée par le même Maïmonide en dépit de toute son intransigeance dans le ressort de la connaissance. Ce qui revient à dire que, dans le domaine de la science, nous sommes obligés de confesser que nous ne savons pas qui est Dieu. Nous ne pouvons jamais considérer le visage surhumain de cet être. Mais quand Dieu nous a effleurés de son contact, nous pouvons ressentir ses effets. C’est ainsi que Maïmonide interprète cette scène si solennelle du deuxième livre mosaïque où le plus grand des prophètes désira contempler Dieu face à face. Nous ne pouvons avoir conscience que des actions du divin hors de nous et en nous, des manifestations de Dieu, des Toare Hamaasseh, mais nous ne pouvons jamais connaître la nature de son être. Tant est révolutionnaire, chez Maïmonide, la rupture avec la croyance littérale à la Bible. Tel est le sérieux avec lequel il s’abandonne aux tendances les plus radicales de la science de ces temps. Tant il demeure cependant profondément pénétré par l’esprit du Judaïsme primitif, par la foi inébranlable dans les opérations de ce Dieu que nul ne peut jamais connaître en tant qu’homme de science.

Mais la profonde unité interne qui lie chez Maïmonide le rationalisme et la foi se révèle d’une manière encore plus éclatante dans la façon dont il pose le problème de la création de l’univers. Les Medabrim islamiques, les Mutakallimûn, eux aussi, avaient déjà combattu de la même manière que lui la doctrine de l’éternité du monde. Et de même ces penseurs mahométans avaient déjà, comme Maïmonide, substitué au Cosmos éternel un monde sorti de Dieu par un acte personnel de création.

Et les méthodes de pensée qui y conduisent ne présentent pas entre elles moins de divergences que les conclusions obtenues de ressemblances. Et c’est précisément dans cette manière originale de motiver ses conclusions que se marque la supériorité classique de la pensée de Maïmonide. Pour démontrer la création