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NOTES


MAÏMONIDE HUIT CENTS ANS APRÈS SA NAISSANCE


I

Toute l’histoire spirituelle de l’Europe vit depuis bientôt trois mille années dans un état de tension dangereuse. Des rives orientales du bassin méditerranéen elle a reçu au tournant de notre ère deux puissantes impulsions contraires qui se sont exprimées dans les réalisations de deux grands peuples, le peuple grec et le peuple juif.

Au cours de tous les siècles antérieurs, dans la culture de l’ancien Orient, en Égypte, à Babylone, en Chine, une union relativement étroite régnait entre la religion et la science, entre l’enthousiasme moral et les dispositions intellectuelles. C’est avec l’activité juive et avec l’activité grecque qu’éclata d’une manière consciente un antagonisme très grave dans les manifestations les plus hautes de l’esprit.

La grandeur de la civilisation grecque réside dans la force et la résolution avec lesquelles la pensée humaine en tant que pensée n’a pris appui que sur elle-même et avec lesquelles cette pensée brisa avec toutes les aspirations religieuses naïves, avec toute l’ancienne impétuosité qui avait prétendu prendre le ciel d’assaut. Le résultat, c’est que, comparée au sage et riche rationalisme des Grecs, l’absolue primauté du religieux dans le Judaïsme apparaît comme monotone ; tandis que, comparée à l’ardeur sans bornes de l’amour de Dieu chez les Juifs, toute pensée, toute sensibilité chez les Grecs paraît pâle. Un des traits les plus caractéristiques de la culture européenne, c’est que