Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1922.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
366
revue de métaphysique et de morale.

ou par substitution à cette croyance d’une croyance nouvelle.

On voit combien la foi est chose diverse et complexe ; on le verra mieux encore en lisant le livre lui-même, où chacun des schémas que nous venons de rappeler se peuple d’analyses, de définitions et s’illustre d’exemples concrets qui fixent sous le regard les types de croyants les plus caractéristiques. Mais après l’avoir minutieusement décrite, M. Delacroix a voulu demander encore à l’analyse de la foi quel rôle elle joue dans la formation de la religion. C’est là un sujet extrêmement important, et comme la psychologie de la foi est le centre de la psychologie religieuse, la philosophie de la foi serait assurément le centre d’une philosophie de la religion. M. Delacroix se propose de reprendre plus tard cette question pour en faire l’objet d’une étude spéciale, mais on lui sera reconnaissant d’avoir voulu nous donner dès à présent, sous la forme de conclusions qui sont en même temps des anticipations, un aperçu des hypothèses directrices qui guideront sa recherche.

Toute religion, nous dit-il, est une expression du besoin de vivre et, avec un sens très juste de la complexité psychologique des faits religieux, il refuse de sacrifier les éléments essentiels de ce processus vital, donc complexe, au bénéfice de l’un d’entre eux. En réduisant la religion à une finalité utilitariste du type magique ou au sentiment pur comme le romantisme de Schleiermacher, on laisse échapper quelques-uns des caractères sans lesquels elle ne serait pas elle-même. Si nous la prenons, en effet, telle que l’observation nous la révèle, elle nous apparaît comme « un compromis entre la subjectivité affective et l’objectivité rationnelle ». Certes elle est à base de désirs et de sentiment ; elle veut utiliser le monde à son gré et conférer aux choses des valeurs absolues ; mais elle ne peut atteindre ni assurer ces valeurs que si « elle les constitue en une nature des choses où elles puissent se maintenir, évoluer, s’accomplir. Point de finalité sans causalité. » Or, pour se donner une nature des choses, il faut nécessairement faire intervenir le savoir, donc du raisonnement et de l’intelligence. « L’idéal, pour triompher du réel, doit mordre d’abord sur le réel. Des contraintes matérielles et des contraintes légales s’opposent aux élans subjectifs. La réalité extérieure, la contrainte du fait et de la raison, des règles juridiques et morales, l’intelligibilité, la nécessité dominèrent le monde religieux. C’est un monde de lois et non pas de pur désir. La religion, comme toute