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la vie religieuse elle-même. Or, en fait, il y a une infinité de manières de croire, et si le psychologue voulait s’arrêter aux différences individuelles, il lui arriverait la même chose qu’au naturaliste trop scrupuleux : les espèces fondraient sous son regard pour ne laisser place qu’à une poussière d’individus. Il faut donc prendre parti et introduire à l’intérieur de cette matière un ordre qu’elle nous suggère encore qu’elle ne le réalise pas. On admettra donc, à titre de schémas qui permettront de classer les attitudes les plus semblables entre elles « la croyance rationnelle, qui tend vers la certitude scientifique ; la croyance sentimentale, qui prend appui sur des besoins et des tendances et qui confère à leurs objets une valeur singulière ; la croyance par autorité et par ouï-dire, qui repose sur la puissance de l’opinion ou des institutions ». Il est clair, d’ailleurs, que nulle part et en aucun temps on ne saurait prétendre retrouver l’une de ces formes de foi à l’état pur pas plus qu’on ne rencontre d’individu qui incarne totalement et uniquement le type de son espèce ; ainsi que le remarque très justement M. Delacroix, ni les croyants ni même les confessions religieuses ne possèdent en propre le privilège d’un genre de foi qui leur serait particulier : la foi catholique ne diffère de la foi protestante que par un dosage différent et une valeur différente attribuée aux éléments qui la constituent. Il n’en est pas moins légitime de dégager les formes élémentaires de la foi et de décrire les attitudes idéales vers lesquelles tendent certaines consciences religieuses, alors même qu’aucune d’entre elles ne les réaliserait complètement. Entreprise d’autant plus légitime que rien n’oblige le psychologue à s’en tenir aux formes pures ainsi définies, et qu’il peut tenir compte de la complexité des cas concrets, des combinaisons de ces formes, des types mixtes qu’elles engendrent, jusqu’à enserrer d’aussi près que possible entre les termes de sa description l’originalité personnelle des individus.

La forme de foi que l’on peut considérer comme étant psychologiquement la plus pauvre et la moins évoluée est la foi implicite ou foi d’autorité. Si nous pouvions la rencontrer à l’état pur, elle nous apparaîtrait exclusive de toute raison acceptée ou choisie, passivité complète, attitude entièrement déterminée de l’extérieur par la contrainte qu’exerce le milieu religieux sur la conscience du croyant. Ce mode de foi suppose donc l’existence d’une communauté religieuse à laquelle l’individu se trouve intégré, et, qu’il