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kantienne, mais qui est inspirée par un esprit bien différent et a une tout autre portée. Elle est inséparable de l'acte par lequel Dieu pose et constitue en nous sa réalité ; on ne peut croire en Dieu, si l'on n'est pas inspiré, en quelque sorte, par son esprit, s'il ne manifeste pas sa présence et son action, en nous, par une prise de possession de tout notre être. Dirons-nous donc que, pour Lagneau, comme pour certains philosophes contemporains, Dieu ou la réalité absolue est une donnée de l'expérience ? Cela du moins ne pourrait être exact qu'à la condition d'admettre, au préalable, que cette notion d'expérience a été déterminée par la réflexion. Mais il y a plus : Lagneau n'eût pas admis, avec M. de Biran par exemple, ou William James, qu'il y a plusieurs ordres distincts d'expérience et, notamment, une expérience religieuse. Pour lui, la pensée se trouve tout entière, quoiqu'à des degrés différents d'intensité ou de perfection, dans chacune de ses manifestations ; et la réalité de Dieu se manifeste en tout fait de conscience, quoiqu'elle n'apparaisse pas en tous avec la même clarté. Il admet assurément qu'il y a des faits privilégiés, et Kant eut à ses yeux la gloire d'apercevoir que tels étaient les faits moraux ; mais ces faits ne sont pas, au fond, d'un autre ordre que les autres faits de conscience ; ils ne font que manifester avec plus d'intensité et d'évidence le caractère divin de la source d'où ils dérivent. Il n'y a donc pas lieu, selon Lagneau, d'admettre une expérience spéciale, constituant un mode supérieur de connaissance. La présence de Dieu, si elle n'est nulle part plus éclatante que dans l’acte moral, se manifeste pourtant dans toutes nos pensées ; il suffit, comme il est nécessaire, pour l'apercevoir, de remonter aux conditions qu'elles supposent, et au delà même de ces conditions, à l'inconditionné, sans lequel rien ne serait, ni n'existerait : la preuve de l'existence de Dieu, pour Lagneau, est donc essentiellement réflexive.

VII

La vraie preuve de l'existence de Dieu une fois découverte, c'est-à-dire « réalisée par un libre mouvement de la nature qui est l'action même de Dieu en nous » la valeur de cette preuve rejaillit sur les preuves qui l'ont introduite, c'est-à-dire sur la preuve intellectuelle et sur les preuves physiques ; et c'est par ces éclaircissements complé