Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/67

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est la source de la moralité. Il n'y a donc pas de différence de nature entre la connaissance spéculative et la connaissance pratique ou foi. Penser, savoir, c'est accorder implicitement une valeur absolue à son savoir. Avant d'avoir réfléchi, on croit voir la réalité telle qu'elle est : et, en fait, on ne se trompe pas complètement, car toute pensée est une manifestation de la pensée absolue. Quelle que soit sa valeur objective, c'est-à-dire comme représentation, elle n'en a pas moins, en tant qu'elle participe de la nature éternelle de la pensée, une valeur absolue qui justifie le sentiment de certitude qui l'accompagne chez l'enfant. Mais quand la réflexion s'éveille, la distinction se fait dans la pensée entre le fait même de la pensée d’une part, de l'autre sa loi, et enfin l'action par laquelle elle applique cette loi à un fait particulier. Et ainsi se trouve brisée l'unité primitive de la connaissance. Qu'est-ce qui justifie l'application des formes de la pensée à tel groupe ou telle série de représentations ? Que vaut cette croyance spontanée de la pensée ? Alors se présente à notre esprit la possibilité de l'erreur et la légitimité du doute ? « Une fois la distinction faite entre le fait et la raison s'ouvre pour l'être une ère nouvelle, l'ère de la souffrance, du doute, du malheur, en même temps que de la possibilité du salut. L'éclosion de la réflexion, c’est l'éclosion de la souffrance, c'est-à-dire du sentiment de l'écart qu'il y a entre le réel et l'idéal, le donné et le possible. L'enfant ne voit que ce qui est ; tout pour lui est uni et plan. L'être humain, la raison venue, souffre donc ; mais en même temps devient capable d'une valeur nouvelle par la solution qu'il donne au problème qui se pose perpétuellement à lui ». - « Au problème soulevé par la réflexion, la solution ne peut être trouvée par la réflexion seule ; car la réflexion suppose toujours une lumière qui la dirige, elle n'agit que sous la condition de la parfaite justification (et cette justification elle ne peut la fournir elle-même). Par conséquent, ce n’est qu'à la condition d'un acte absolu de volonté raisonnable que la solution pourra être trouvée, c'est-à-dire que pourra être rétablie l'unité brisée par la réflexion. A l'homme qui a douté une fois de la raison, par conséquent, de toutes choses, la paix ne peut être rendue que par un mouvement intérieur, absolu, par un acte de moralité, c'est-à-dire, par un acte de foi. C'est par cet acte de foi morale que la connaissance reprend la valeur que la réflexion lui avait d'abord contestée et qu'elle avait primitivement dans l'état de nature. » « La loi, dit-il ailleurs avec plus de précision, qui consiste à nous faire