Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/65

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en un symbole, la réalité vraie dont l'expression la plus divine est l'amour. C'est parce que nous avons le sentiment de l'unité et de l'identité profonde des êtres, et que notre réalité est dans ce qui nous est commun avec tous, c'est-à-dire dans cette réalité universelle qui tend à se retrouver en chacun d'eux, que nous reconnaissons qu'il y a un devoir. Le sentiment du devoir n'est que la projection dans notre conscience de cette réalité interne dont nous avons la certitude. L'amour est le fondement métaphysique du devoir. Le devoir nous révèle l'amour qui nous révèle Dieu, par la joie qui s'y attache : « La preuve de l’existence de Dieu, dit Lagneau, c'est le bonheur qui rend possible la vie morale et qui en résulte ». « Ce sentiment de joie par lequel l'âme s'unit étroitement à l'objet qu'elle réalise, joie qui est en même temps amour, est le témoignage de la nature qui confirme l'être moral dans la certitude qu'il a créée en lui librement. Cette joie accompagnée d'attachement à son objet est comme l'approbation extérieure que l'absolu se donne à lui-même. C'est une approbation indirecte qui revient sur elle-même, une approbation réfléchie en quelque sorte. De ce que la nature a été créée par l'absolu résulte la conformité où elle se montre ensuite avec les actes de l'absolu. On ne peut pas dire absolument que ce soit ce sentiment qui justifie l'acte moral dont la valeur n'a en effet pas besoin d'être prouvée par quelque chose d'extérieur, mais elle lui apporte du moins une vérification de fait. » D'ailleurs cette vérification de fait ne saurait être absolue. « Cette joie qui accompagne l'acte moral ne peut pas être une joie sans mélange. L'acte moral en effet ne subsisterait pas longtemps, s'il n'était constamment accompagné de l'impossibilité où est l'être moral, qui l'accomplit, de réaliser dans cet acte la perfection, de combler l'intervalle de la nature à l'esprit. La condition de la valeur de ce sentiment même, c’est qu'il soit accompagné d'une souffrance. La souffrance est le stimulant de l'être dans sa marche vers la perfection. Cette souffrance ne peut le quitter ; il faut même aux instants de triomphe qu'elle soit là pour l'avertir qu'il y a toujours de nouvelles conquêtes à faire. Même la pure adhésion active de la volonté à la loi morale, le pur acte moral, s'il est la perfection dans sa forme, ne l'est pas nécessairement dans la nature à laquelle il est uni. Nous pouvons à la fois vouloir le bien et nous demander si nous le voulons aussi complètement que possible. La subordination des motifs intéressés au motif moral ne va pas jusqu'à l'anéantisse-