Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/62

Cette page n’a pas encore été corrigée

création perpétuellement renouvelée n'est autre chose que le perpétuel sacrifice de la réalité présente, que l'acte absolu par lequel Dieu meurt en quelque sorte à lui-même dans l’affirmation d'une réalité qui ne saurait jamais être donnée tout entière, et sans laquelle pourtant rien ne deviendrait ni serait. Amour et sacrifice paraissent être les deux aspects les plus profonds de l’acte divin. » La véritable preuve de l'existence de Dieu, pour Lagneau, c'est donc l'acte par lequel Dieu se constitue en chacun de nous ; c'est, d'après ce que nous venons de voir, l'acte par lequel notre nature sacrifie ce qu'il y a en elle de contingent à sa réalité vraie, c'est-à-dire, universelle, et cherche à s'identifier avec l'être universel ; le sacrifice est l'acte dans lequel se consomme en chacun de nous l'acte divin. Cet acte peut être envisagé sous un autre aspect. Cette position de l'identité de l'un et du multiple engendre la forme abstraite de la nécessité, c'est-à-dire la raison. La raison, pas plus que l'amour, ne peut être réalisée en nous ; ce qui existe véritablement, la fonction, qui gravite vers la raison, sans pouvoir la réaliser, c’est l'intelligence, faculté de connaître, et la volonté, faculté d'agir. Connaître, c'est affirmer implicitement l'identité -de ce qu'on connaît et de la forme de nécessité qu'on y applique en le connaissant, c'est ne voir dans le particulier que l'effet de l’universel. C'est dès lors envisager toute chose au double point de vue du mécanisme et de la finalité. D'une part, en effet, chaque chose est le résultat des actions combinées de toutes les parties de l'univers, l'effet du déterminisme universel ; mais, si l'on s'en tenait à ce point de vue, la réalité des natures multiples qui constituent l'univers s'évanouirait ; il faut que chaque chose ait sa réalité ; cette réalité est bien encore l'universel ; mais dans ce cas, au lieu de faire du dehors la réalité de l'individu, il la fait intérieurement. L'individu existe par l'action intérieure de l'idée de l'universel, et du désir qu'elle lui inspire, c'est-à-dire que la condition de la possibilité d'expliquer le monde en réduisant chaque élément au tout par la loi abstraite du mécanisme, c'est que cette loi abstraite ne soit que le symbole de l'omniprésence du tout, dans chaque être particulier. La connaissance suppose ainsi que chaque être est, dans son fond désir, c'est-à-dire n’existe que par son mouvement vers une fin posée en lui par l'idée de l'être, ou l'idée de l'universel ; (le désir en tant qu'il prend conscience de lui-même dans l'universalité de sa fin, étant la volonté.)