Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/61

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une ardeur et une foi que n'explique nullement la courte durée qu'il remplit, ni l'étroite étendue où il s'agite : c'est qu’au fond ce qui meut ces êtres dans l'absolu, c'est l'amour. Chaque être s'attache non à son être, mais à l'être ; et ce qui rend compte absolument de l'effort par lequel il tend à persévérer dans son être en s’attachant à d'autres objets, c'est que l'être de ces objets et le sien ne font qu'un, et qu'au fond en chaque être, c’est l'Être même qui s'aime d'un amour éternel. Ainsi l'amour est bien la réalité que suppose tout ce qui existe, et pourtant nous ne pouvons le concevoir réalisé ni dans la nature qu'il inspire et qu'il meut, ni en Dieu d'où il émane. Nous ne pouvons le concevoir sans être obligé de le développer dans une nature. « De sorte que l'amour comme toutes les formes sous lesquelles on conçoit l'absolu sont comme la fluxion, l'écoulement de l'absolu dans le réel, comme la limite de l'absolu et de l'être, n'existent qu'à cette limite instable et purement idéale où nous concevons que l'absolu commence à être. » Quand nous disons que Dieu s'aime d’un amour éternel, nous impliquons qu'il s'aime sous la condition d'une nature différente de la sienne. « C'est là d'ailleurs une vérité d'expérience. L'amour ne peut que revenir à sa source ; aimer c'est en définitive s'aimer, si c'est aimer en pleine justification ; mais en même temps que l'amour ne peut avoir pour objet que son propre sujet, il ne peut exister non plus que sous la condition d'une opposition entre le sujet auquel il s'adresse et le sujet apparent d'où il part. C'est-à-dire que par le fait seul que l'amour existe, se trouve posée la multiplicité au sein de l'unité. Dieu ne peut s'aimer que dans d'autres êtres que lui. L'amour va donc à l'unité et la constitue, mais sous la condition de la diversité. C'est-à-dire que l'amour que Dieu se porte à lui-même ne peut s'exprimer et par suite être que sous la condition de la création absolue de natures dont il est l'être ou plutôt la vraie réalité, et que Dieu ne peut s'aimer qu’en créant... A chaque instant, la création résulte de l'impossibilité même où est Dieu de se satisfaire de rien de ce qu'il a créé. La création ne peut valoir que par la négation même d’une valeur absolue qu'elle aurait. Ce n'est en somme que par l'attachement anticipé de l'être réel à une réalité qu'il sent comme son fond absolu et qui n'est rien qu'en vertu de l'action même par laquelle elle est poursuivie, que l'univers à chaque instant devient. Le développement de la vie, la