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dans le sentiment de notre participation à la vie divine, ou plus exactement de l'acte par lequel Dieu s'atteint en nous : et cet acte, c'est, sans doute, l'acte par lequel nous posons une pensée quelconque comme vraie, mais, dans sa pureté la plus parfaite, c'est l'acte moral.

VI

Si nous ne pouvons saisir Dieu, directement, le regarder face à face, selon la parole de Moïse, nous pouvons du moins le connaître, selon une autre parole célèbre, « veluti in speculo » ; et peut-être que les deux idées par lesquelles il est le plus raisonnable d'exprimer Dieu sont lamour, qui en est l'expression la plus approchée, et lunité, forme abstraite, en quelque sorte, de cette réalité. L'amour est à la fois nécessité et liberté. Celui qui aime véritablement se croit absolument déterminé à l'attachement qu'il éprouve ; il lui semble qu'il ne peut pas ne pas aimer. Mais, d'autre part, l'amour est libre ; il vient du fond même de l'être qui aime. Ce n'est pas aimer que d'aimer malgré soi, c'est-à-dire sans s'approuver d'aimer. L'amour fatal est passionné. L'amour véritable est éminemment raisonnable, au contraire ; sa nécessité n'est pas celle que l'on subit, mais que l'on comprend, que l'on domine par conséquent et qui, loin de rendre esclave, libère. « Celui qui aime véritablement ne se demande pas s'il aime fatalement ou librement, mais son amour, à ses yeux, implique les deux choses ; cet amour, il pense qu'il en a le mérite quoiqu'il ne puisse y résister. » L'idée de l’amour est donc celle par laquelle nous pouvons concevoir de la manière la moins inadéquate, l'acte absolu de l'unité divine, mais c'est une simple approximation de cette réalité ineffable. L'amour pose l'identité de deux êtres, qui sont, antérieurement à cet acte qui les unit, distincts : c'est deux dans un. Comment dès lors concevoir l'amour réalisé en Dieu, qui est un ? On ne peut pas non plus le concevoir réalisé dans la nature, car l'amour entraînant la complète identification du sujet aimant et de l'objet aimé, toute dualité disparaîtrait, c'est-à-dire toute nature. L'amour ne peut donc pas exister, et cependant s'il n'avait pas de réalité, rien ne s'expliquerait. En effet, le fond de tout être vivant est désir ; mais le désir ne saurait être justifié par les objets qu'il poursuit ; il les dépasse indéfiniment. Tout être s'attache à la vie avec