Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/59

Cette page n’a pas encore été corrigée

rien que si elle est conçue, et qui en même temps ne peut être conçue que comme réelle, c’est-à-dire comme déjà impliquée dans ce que nous sommes actuellement. L'affirmation de la vérité de notre nature suppose l'affirmation d’une réalité universelle ; mais cette affirmation n'est possible, disons-nous, qu'à la condition d'être préformée dans notre nature. Nous ne poursuivrions pas l'être universel duquel nous dépendons, si nous ne le possédions d'avance, attachés à lui par cet amour obscur qui est au fond du désir, et qui est Dieu en nous. Nous n'existons, à chaque instant, que par l'action qui développe du présent l'avenir par le désir, mais le désir suppose, implique au fond de lui-même l'amour. Ainsi la vie morale ne peut se réaliser dans un être que sous la condition qu'au fond de la nature l'esprit soit déjà déposé, c'est-à-dire que ce soit par l'action de l'esprit que cette nature se développe. La vie morale ne se comprend que dans l'hypothèse que la nature, la loi morale et la liberté même ne font qu'un : ce qui suppose en particulier que la loi unique par laquelle la liberté se réalise n'est autre chose au fond que la loi absolue de la nature qui dans son fond est liberté. » Ainsi la réalité absolue de qui tout dépend, et qui ne dépend de rien, peut en un sens être définie par la liberté ; mais la définir ainsi c'est encore se placer au point de vue de l'entendement qui réclame une cause absolue de ce qui est ; or l’entendement ne saurait par ses seules forces atteindre l'absolu. Il nous est impossible de déduire de la liberté, la nécessité et la nature, c'est-à-dire la forme et la matière de tout jugement. Nous sommes obligés d'en admettre l'union, l'identité, mais sans la comprendre. Liberté et nécessité sont des aspects sous lesquels apparaît à l'entendement la pure action qui constitue Dieu ; mais il est impossible de relier ces trois termes logiquement. Nous ne pouvons pas comprendre Dieu, et nous n'en aurions pas l'idée s'il n'était pas implicitement donné dans cette nature qui est pour nous l'occasion de la conception que nous nous en sommes formée ; toute vie, toute certitude, toute vertu consiste dans l'effort par lequel tendent à s'unir les trois termes que l'analyse réflexive découvre au fond du jugement : l'objet absolu de la pensée, sa forme, sa pure action ; de telle sorte que Dieu c'est proprement l'action incompréhensible qui crée les conditions de la pensée et de la nature. Mais cette action ne crée pas seulement la possibilité de la vie universelle, elle en constitue la réalité même ; et la véritable preuve de l'existence de Dieu, pour Lagneau, réside précisément