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serait cette forme sans une matière ? L'idée de la forme n'est pas subordonnée à la perception sensible ou à l'expérience ; elle exprime une loi immanente à l'acte primitif de la liberté ; mais d'autre part comment concevoir une loi, c'est-à-dire un lien, si l'on n'admet pas quelque chose de lié ? Par conséquent, ou bien la liberté à la conception de laquelle la réflexion nous a conduit n'était rien, ou bien si c'était quelque chose c'est que tout ce qu'il s’agit d'expliquer par elle, existait déjà en elle. « Voilà donc les deux raisonnements parallèles et contraires auxquels nous avons été conduits. D'une part, il faut, avons-nous dit, pour que quelque chose soit, qu'il existe préalablement une vérité de cette chose, une loi du vrai ; il faut encore qu'au-dessus de cette loi dont l'application doit constituer la vérité, il existe une pure action qui la pose et qui pose aussi par elle la matière à laquelle elle s'applique. D'autre part, cette pure action ne se conçoit pas sans une loi, une forme qui ait son être et qui à son tour suppose une nature, c'est-à-dire que ces trois termes apparaissent dans un ordre inverse en ce raisonnement, comme conditions l'un de l'autre. » Telle est la démarche nécessaire d'une pensée qui veut s'expliquer à elle-même. La liberté nous apparaît comme soumise à des conditions : ce qui est contradictoire. Mais au-dessus de l'acte de l'entendement qui a pour objet de déterminer des relations nécessaires et dont la fonction essentielle par suite est de distinguer, de séparer, pour réunir, il y a place pour l'acte de la pure pensée qui consiste à affirmer l'identité des termes que l'entendement développera ensuite, c'est-à-dire de la Liberté, ou pure action, de la forme ou loi, de la matière ou nature. Si ces trois termes étaient réellement distincts et extérieurs les uns aux autres, leur rapprochement serait toujours contingent, et ne pourrait engendrer la vérité. Il n'y aurait pas non plus de vérité, si on devait la concevoir comme résultant d'une production pure et simple par l'action absolue, d'une forme ou loi et d’une matière ou nature. Dans le premier cas, tout serait réel, dans le deuxième, tout serait idéal. Or dire que quelque chose est vrai, c'est dire que cela est nécessaire, et aussi, par conséquent, ne saurait se réduire entièrement à l’absolu. Il faut donc admettre que ces trois termes, condition réciproque l'un de l'autre, sont au fond identiques, c'est-à-dire que leur distinction n'a de sens que par rapport à l'entendement. Mais cette