Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/55

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étant ; mais cet être qu'elle possède n'est pas antérieur à l'acte par lequel elle pose ce qui doit être. Le temps n'a rien à faire ici. Non est locus. De ce que nous ne pouvons pas considérer ce pur acte de liberté à moins de lui attribuer l'existence, c'est-à-dire de le considérer comme étant quelque chose, il ne s'ensuit pas que cette existence ou cet être lui soit antérieur. Logiquement, en effet, c'est l'acte qui est antérieur à sa forme, c'est-à-dire à son être et à son objet, c'est-à-dire à sa nature. » Or qu'est-ce que cet acte de l'esprit, qui confère à toute chose sa réalité, en lui attribuant une valeur, sinon Dieu ? Dieu c'est la valeur. Et comme l'acte, par lequel Dieu se pose, consiste à poser que ce qui est véritablement, que le réel est ce qui résulte de l'action créatrice de la liberté, on peut dire encore, que Dieu c'est l'identité de l'idéal et du réel. En nous l'idéal et le réel s'opposent, quoique cette opposition soit, comme nous le verrons, plus apparente au fond que réelle. (Que pourrait être en effet notre idéal sinon la vérité de notre nature ? et que pourrions-nous espérer devenir sinon ce que nous sommes déjà en quelque façon ?) Pour devenir ce que nous devons être, il faut : 1° que nous soyons primitivement quelque chose ; 2° que dans notre nature subie nous concevions ce qu'elle est réellement, sa vérité ; enfin 3° que cette vérité, nous voulions la réaliser. Nous pouvons distinguer dans un acte : 1° la matière de cet acte, c'est-à-dire notre nature donnée ; 2° sa forme ou sa loi véritable, et enfin 3° l'action qui réalise dans notre être apparent notre être vrai. L'idéal et le réel subsistent donc bien en face l'un de l'autre, en chacun de nous et n'arrivent jamais à s'identifier parfaitement. En Dieu ces deux termes se confondent ; Dieu est l'identité de l'idéal et du réel ou, plus exactement, l'identité de la matière de l'acte pur, de la forme, et de l'action elle-même. Ces trois termes que notre entendement distingue sont profondément unis en Dieu et constituent par leur union son incompréhensible nature. On ne peut admettre l'antériorité de l'action sur la forme et de celle-ci sur la matière. Si on pose l'action avant la loi, on se demandera ce qu'elle était avant qu'elle se fùt constituée elle-même et eût ainsi constitué sa loi. On se demandera pourquoi elle s'est constituée ainsi, et non autrement. En posant au commencement l'action, nous la concevons comme réelle, donc comme ayant une loi ; mais cette loi à son tour que serait-elle si elle ne liait pas une nature ? que