Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/53

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nécessité, a par lui-même une valeur absolue, valeur que la pensée peut comprendre. » « Mais que signifie cette valeur ? Qu'est-ce que cette réalité des choses ou des pensées que nous appelons leur valeur ? C'est une réalité que nous ne serons jamais déterminés à affirmer par le simple fait de notre nature sensible. Ainsi pourquoi considérons-nous un acte de dévouement comme ayant une réalité supérieure à celle que possède un acte d'égoïsme ? En quoi consiste cette réalité supérieure ? L'acte d'égoïsme existe ; il est tombé sous les sens ; cette réalité, il la possède au même titre que l'acte de dévouement ; l'un et l'autre sont dans la nature. Il y a encore une autre réalité qu'ils possèdent tous deux, c'est qu'ils sont intelligibles, comportent une explication, et l'idéal de la connaissance de ces actes, c'est de montrer qu'ils sont arrivés nécessairement. Cette réalité supérieure de l'un d'eux ne consiste donc pas dans la réalité intelligible ; elle consiste en ce que cet acte soutient avec la liberté un certain rapport que l'autre ne soutient pas ; elle consiste dans une réalité qu'il ne possède que parce que la liberté la lui attache ; l'acte de dévouement vaut, l'acte de l'égoïsme ne vaut pas. Valoir c'est être réel par la liberté. Si on pouvait prouver absolument la nécessité de l'acte de dévouement, en tant qu'acte de dévouement, il ne serait plus rien ; toute sa valeur consiste dans quelque chose qui lui est ajoutée par la liberté seule et qu'il n'aurait pas en tant qu'acte purement intelligible, ni non plus, bien entendu, en tant qu'acte purement sensible. Il y a donc un ordre supérieur de réalité qui ne consiste ni à exister ni à être. Car exister, c'est pouvoir ne pas être, et être c'est être nécessaire, et cela non plus n'est pas être véritablement. A tous les degrés de la pensée, la valeur est vraiment la réalité que la pensée affirme. » Quand j’affirme l'existence de quelque chose, comme de ce cahier, par exemple, ce que j’affirme, ce n’est pas simplement les affections qu'il me donne, ou l'existence dans un objet déterminé du pouvoir de produire ces affections, ce n'est pas simplement, en d'autres termes, un fait, sensible ou intelligible, c’est aussi et surtout qu'en percevant ce cahier comme je le perçois, je le perçois comme je dois le percevoir, c'est-à-dire selon le vrai rapport de la chose à la pensée dans son premier principe qui est la liberté. Ce qui dans une pensée quelconque est affirmé comme réel, c'est la convenance de ma nature pensante, c'est-à-dire des formes de ma pensée, à ce que je pense