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des nécessités de la vie en société ; sa valeur dans ce cas ne serait que relative, et elle ne pourrait servir de base à une preuve de l'existence de Dieu. Pour Lagneau, cette preuve se rattache directement au cogito ; il prétend qu'au fond de tout acte de pensée, est enveloppée non seulement l'affirmation subjective de Dieu, mais sa réalité, quoiqu'elle n'apparaisse pas avec la même clarté dans tous, et qu'elle ne soit nulle part aussi évidente que dans l'acte moral. La preuve réflexive ne se fonde pas sur quelque affirmation singulière et contestable de la pensée, mais sur l'affirmation la plus humble de son existence. Elle se ramène au fond à la conscience claire et distincte de l'impossibilité de prouver Dieu comme quelque chose d’existant ou d'intelligible, jointe à la nécessité d'affirmer, pour expliquer tout le reste et soi, sa réalité. On ne peut affirmer de Dieu ni l'existence ni l’être ; mais l'existence et l'être n'’épuisent pas toute la réalité ; bien plus, le mode de réalité qu’ils ont ne peut leur être conféré que par la réalité absolue qui les dépasse et qui est Dieu. Lagneau commence donc par établir ce que la preuve de l'existence de Dieu n'est pas et ne peut pas être. Kant avait entrepris de le faire dans la Dialectique de la raison pure. Il a bien montré qu'on ne peut déduire l'existence de Dieu de son essence ; mais il n'a pas tiré de sa critique toutes ses conséquences, notamment, qu'une démonstration de l'existence de Dieu n'a en réalité aucun sens. Il laisse supposer que l’idéal de la connaissance de Dieu serait de le percevoir comme existant. Il nous ôte l'espoir, mais non le désir de l'atteindre. Il faut se convaincre que Dieu ne peut pas exister, au sens que l'on donne habituellement à ce mot. Qu’est-ce que lexistence ? Ce n'est pas simplement ce dont nous avons l'idée, mais ce qui est objet de perception, c'est-à-dire ce que nous sommes déterminés accidentellement à affirmer par un ensemble de sensations actuelles. Nous disons aussi que la vérité existe ; mais le mot existence a ici un autre sens. Quand il s'agit d'une vérité l'existence signifie lêtre, et être signifie être l'objet d'une affirmation universelle et nécessaire, qui porte sa justification en elle-même ; en d'autres termes, c'est être intelligible. Quand je dis « L'homme est un animal », cela signifie qu'il y a quelque chose qui a une réalité supérieure à l'animal en question, à savoir qu'il est vrai que l'homme est un animal, que c'est là une affirmation qui s'impose universellement et nécessairement à toute pensée. « Exister, c'est donc être supposé intelligible et être perçu ;