Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/46

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dehors de la pensée, par une croyance qui n'est pas présentée comme un moment, comme un degré naturel de l'action par laquelle cette pensée pose elle-même Dieu en elle. D'une part Kant ne montre pas Dieu dans l'acte même par lequel la réalité de l'absolu est posée ; d'autre part, après n'avoir pas saisi Dieu dans l'acte moral même, il ne le donne que comme la satisfaction exigée par un simple besoin de notre nature, si bien qu'il laisse possible cette question même : est-il nécessaire de croire que la nature des choses soit réellement disposée par un auteur divin, selon les exigences de notre nature ? » Kant dit que le devoir serait une chimère sans la perspective du progrès indéfini de la moralité, et de l’union de la moralité et du bonheur. Mais il faut se demander, dit Lagneau, si lorsque l'ordre des choses ne comporterait pas pour notre moralité un progrès indéfini, il s'ensuivrait que la loi morale est illusoire. S'il fallait l'admettre, Kant aurait donc à tort affirmé sa valeur absolue ; cette affirmation est en elle-même indépendante des conditions que la réflexion y découvre ensuite. Et si la vertu ne recevait pas de récompense, en serait-elle moins bonne moralement ? Partir d'un besoin sans en démontrer la nécessité, et fonder l'existence de Dieu sur ce besoin, c'est faire un Dieu contingent. Du reste, il est possible de concevoir le développement indéfini de la moralité comme s'effectuant dans cette vie même. Quand nous agissons moralement, cet acte crée en nous une disposition à vouloir le bien dans l'avenir ; nous ne saurions douter que les lois de la nature ne rendent possible le progrès de la moralité, car c'est un fait d'expérience que la volonté peut discipliner en nous la nature et assurer sur elle son empire par l'habitude. Ce ne sont pas les moyens d'accomplir notre devoir qui nous manquent, c'est bien plutôt nous qui manquons au devoir. Et cette simple observation suffit peut-être à convaincre celui qui réfléchit de l'existence de Dieu. Si l'on admet qu'en se soumettant librement à la loi morale, notre volonté domine notre nature, c'est-à-dire que l'absolu peut, par notre action, devenir d'une pure possibilité abstraite, une réalité se manifestant par ses effets sur notre caractère et sur nos actes, on possède là tous les éléments essentiels d'une croyance rationnelle à l'existence de Dieu. Dans l'acte moral se trouvent implicitement enveloppés : 1° l'absolu proprement dit antérieur à l'être et à l'existence : ce qui ne dépend que de soi ; 2° l’absolu en tant qu'il est compris comme étant, c'est-à-dire