Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/44

Cette page n’a pas encore été corrigée

titude de la réalité de Dieu. Kant a montré que si Dieu existe et si Dieu est l'absolu, nous ne pouvons le savoir que par un acte absolu lui-même ou du moins à la suite d'un tel acte et par l'expérience du concours que la nature en nous lui prête. La gloire de Kant est donc d'avoir arraché cette question de l'existence de Dieu à la spéculation pure, et d'avoir montré que la raison pratique seule peut y répondre. C'est par un acte absolu de la liberté qu’on pose la réalité de l’absolu. II ne faudrait pas dire, pour cela, que Kant conçoit Dieu comme immanent à nous-mêmes, c'est-à-dire comme donné dans l'acte absolu auquel pour Lagneau la vraie certitude est attachée. Dieu est toujours pour Kant l'absolu réel, l'auteur réel de l'ordre de la nature conforme aux exigences de la moralité et de la raison. Il faut qu'il y ait au delà de ce que nous connaissons, c'est-à-dire des lois de la nature, des lois plus larges, plus vraies qui s'accordent avec ce que la raison nous dit et aussi ce que nous dit le besoin de notre nature sensible, des conditions que doit remplir le milieu extérieur où doit se développer la moralité. Affirmer le devoir, c'est par cela même concevoir que la vie telle que notre intelligence nous la fait connaître, n’est pas la vraie vie, qu'elle n'est qu'apparence, phénomène, illusion, qu'il y a d'autres lois que celles qui régissent le monde que nous nous représentons, qu'il y a un ordre de réalité invisible et caché, où se résolvent les difficultés qui, dans cette vie, paraissent insolubles. « Dans sa Critique de la Raison pure, Kant fait voir que ce que nous prenons pour des choses n'est que des phénomènes, des ensembles de manière de voir nécessaires. Donc il est permis de croire que la nature des choses que nous ne voyons qu'à travers des voiles, en quelque sorte, a été organisée de façon à permettre la réalité de la moralité et la liaison du bonheur et de la vertu. Ainsi Dieu est plutôt le garant de la vie future, que le principe sur lequel cette vie actuelle, phénoménale, repose. C'est donc bien le commentaire de la pensée religieuse que nous trouvons chez Kant ». L'idée du devoir se trouve ainsi dans la philosophie kantienne le fondement d'une conception nouvelle de la nature, conception métaphysique, c'est-à-dire portant sur la réalité absolue et non plus sur les phénomènes. Et la portée de cette idée nous permet de mieux comprendre l'autorité et la valeur singulière que Kant lui attribue. Si la loi morale était toute relative, comme celle à laquelle sont soumis nos penchants naturels, elle n'exigerait pas, comme