Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/43

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qu'il y a une loi raisonnable devant laquelle il faut s'incliner ; ce serait par ce jugement antérieur que la loi morale serait respectable, et alors la volonté obéirait non à un édit de Dieu, mais à une loi immanente. Ainsi on ne va pas directement de l'existence de Dieu à celle de la loi morale, mais de celle-ci à celle-là ; et encore on n'y va pas directement, mais par un détour, en passant par l'idée d'un progrès moral, indéfini, dont la croyance est impliquée selon Kant dans l’acte moral et par celle de la liaison future de la vertu et du bonheur. Ainsi Dieu est conçu, dans la Critique de la Raison pratique, comme l'auteur du milieu naturel que comporte l’action sous la loi morale, c'est-à-dire comme législateur moral de la nature : « Cette existence de Dieu, Kant ne la démontre pas à proprement parler ; il montre seulement que nous devons produire un certain acte dans lequel seul se rencontre pour nous l'absolu, et à l'existence duquel se rattache un besoin impérieux de notre nature, justifié du reste par la raison, qui tend à l'affirmation de l'existence d’une cause toute intelligente et toute bonne qui a organisé la nature pour y rendre possible le développement de la moralité et cette justice supérieure qui veut que la moralité soit entourée de bonheur. La grandeur et l’originalité de cette thèse consistent donc à faire reposer la certitude de l'existence de Dieu sur une certitude morale, à nous faire les auteurs directs de notre croyance en Dieu, à montrer que rien ne peut, dans la production de cette croyance, remplacer l'action de notre liberté, et que si nous sommes certains que Dieu est, ce ne peut être en définitive que parce que nous voulons que Dieu soit, désir que la raison ne peut que trouver légitime. Ainsi Kant a eu ce grand mérite de rappeler la pensée, dans la recherche de l'absolu, des choses sur elle-même. » Déjà Descartes avait montré qu'il ne faut pas chercher à établir l'existence de Dieu sur l'expérience, mais sur l'idée même de Dieu ; mais tandis qu'il faisait dépendre la réalité de Dieu d'une idée, pour Kant, il faut vouloir que l'absolu soit, il faut agir, faire les premiers pas ; alors la nature nous soutiendra, un besoin apparaîtra, que notre raison ne pourra qu'approuver, nous croirons en Dieu ; cette croyance sera fondée sur une nécessité morale liée à une nécessité naturelle. On peut donc dire que Kant a complété Descartes, mais en le dépassant. L'absolu donné par l'idée de Descartes n'est pas l'absolu, puisqu'il dépend de son idée. C'est l'acte absolu, le plus pur acte de liberté qui peut engendrer la cer-