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raison de croire ne peut être que dans la connaissance ; si elle était dans la nature, dans un besoin, ce ne serait pas davantage un devoir. En fait il y a là un besoin pour nous, besoin lié à la conscience du devoir ; et ce n'est qu'à la condition de céder à ce besoin de croire que le devoir nous apparaît raisonnable, quoiqu'il ne puisse entrer en ligne de compte dans les raisons qui nous déterminent à l'accomplir. Telles sont les conclusions essentielles de la Dialectique de la raison pure pratique. La preuve de l'existence de Dieu de Kant, dit Lagneau, se retrouve dans la Profession de foi du Vicaire savoyard. Son originalité consiste à faire reposer l'existence de Dieu, non sur une connaissance proprement dite, qui en tant que connaissance ne pourrait être que relative, et par suite incapable d’atteindre Dieu, qui, par définition, exclut toute relation, mais sur le témoignage de la conscience morale par laquelle seule nous atteignons l'absolu. Dieu existe parce que nous savons que le devoir existe. Du devoir aucun sceptique n'a le droit de douter. Quand nous ignorerions tout le reste, il y a une certitude qui s'imposerait à nous, c'est que nous avons des obligations. Il y a une certitude, indépendante de toute connaissance proprement dite, absolue, c'est la certitude du devoir, et le devoir est la porte qui s'ouvre pour nous sur l'absolu, sur Dieu. Il n'est pas nécessaire, disait Kant, que l'on puisse démontrer l'existence de Dieu, mais il est nécessaire de se convaincre qu'il est ; or par cela même que nous voulons que le bien soit, que nous nous portons vers lui de tout l'effort de notre volonté, que nous le réalisons dans nos actes, cela implique que nous croyons qu'il est quelque chose en dehors de nous, que l'ordre universel est disposé par une intelligence parfaite et une volonté toute bonne, type absolu de la perfection à la réalisation de laquelle nous sommes appelés. Cette preuve correspond donc bien à la connexion que le sentiment religieux établit naturellement entre la loi morale et l'existence d’un législateur. Seulement, selon Kant, la philosophie de la religion chrétienne ne fait pas dépendre, comme on le croit d'ordinaire, la loi morale de l'auteur de cette loi ; la loi n'est pas respectable parce que Dieu l'a établie ; la morale chrétienne fait de la connaissance de Dieu et de sa volonté la base, non de cette loi, qui serait dès lors conditionnée et viciée dans son principe même, mais seulement de l'espoir d'arriver au souverain bien sous la condition de l'observer. Du reste, avant de s'incliner devant cette loi venue de Dieu, il faudrait savoir