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puisse tenir aucune place dans l'idée du souverain bien. Kant distingue deux éléments dans l'idée du souverain bien : la pure disposition de la volonté et l'idée du bonheur. Ces deux éléments ne sont pas sur le même plan et ne sauraient être réduits l'un à l'autre. On ne peut faire consister le bien moral dans la bonne volonté et le concevoir en même temps comme déterminé par quelque chose d'extérieur à la volonté, comme serait le bonheur : ce serait transformer le bien absolu en un bien relatif et par cela même nier la bonne volonté. Mais, d'autre part, le bien moral n'est pas à lui seul le bien complet. Il ne faut pas confondre le bien qui est au sommet du souverain bien, avec le bien somme ou total. Le souverain bien c'est le bonheur joint à la perfection, mais ayant sa condition dans la perfection, c'est-à-dire dans le bien moral. Nous ne pouvons nous empêcher de croire qu'il est juste que l'être moral reçoive le prix de sa vertu dans le bonheur ; cette croyance n'est pas, aux yeux de Kant, le simple effet d'un désir de la sensibilité, mais d'un jugement impartial de la raison : elle postule donc que la nature des choses s'y conforme. De là, les deux postulats de la morale kantienne. 1°- Nous ne pouvons pas prendre conscience de l'obligation où nous sommes d'obéir à la loi sans prendre conscience en même temps de l'infinie distance qui nous sépare de la perfection morale. Peut-être n’y a-t-il jamais eu dans le monde un seul acte vraiment moral ! Or le devoir n’y apparaîtrait-il pas comme illusoire si nous ne pouvions croire que l'état actuel de la moralité n’est pas définitif, que la sainteté n'est pas un état contre nature, qu'il est en notre pouvoir de nous en approcher indéfiniment, que notre existence par conséquent ne se borne pas à la vie terrestre, que nous avons devant nous la perspective d'un développement et d'un progrès indéfini de la moralité. La croyance à l'immortalité de l'âme se trouve donc impliquée dans l'acte moral. 2°- En même temps que le devoir implique la possibilité d'un avenir indéfini de perfectionnement moral, il implique, d'autre part, une corrélation exacte dans cet avenir indéfini entre la moralité et le bonheur. Et comme tout ce que nous savons nous défend d’admettre que ce soit par ses seules forces que la nature réalise cet accord, nous sommes amenés à croire qu'il y a au-dessus de la nature un principe intelligent et bon duquel il dépend. Notre croyance à l'existence de Dieu est donc suspendue au devoir, mais n'est pas elle-même un devoir. Ce ne peut être un devoir de croire à quelque chose, car la