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cisme, ils ne valent que contre certaines conceptions vulgaires et certaines opinions fausses des philosophes. Il convient de dissiper, par un vigoureux effort de réflexion, tous ces fantômes, et l'on s’apercevra qu'il subsiste, à leur défaut, une réalité positive et inébranlable. Cette méthode fut celle de St Anselme ; ce fut celle aussi de Kant. Après avoir démontré l'impossibilité pour la raison pure spéculative de sortir du cercle des phénomènes où la sensibilité nous tient enfermés, et de s'élever dans la région de l'inconditionné jusqu'à l'être parfait, Kant prétend établir que ce qui est impossible à la raison spéculative est non seulement possible, mais moralement nécessaire à la raison pratique ; et il est amené par cela même à préciser la notion de l'être parfait, par les exigences de la conscience auxquelles seul il peut donner satisfaction. C’est la même méthode que suivra Lagneau, mais non sans l'avoir rectifiée sur des points essentiels. Avant de l'exposer, il commence par examiner la preuve kantienne, en dégage le caractère original, indique les objections qu'elle soulève et, comme cette preuve dépend étroitement de l'idée que Kant se fait de la moralité, il expose dans ce qu'elle a d'essentiel, la morale kantienne.

III

Tandis que pour les moralistes anciens le problème moral se ramène au problème du souverain bien et suppose par conséquent une conception métaphysique de l'être, pour Kant il consiste essentiellement à déterminer ce qu'est une bonne action. Or l'analyse de la conscience commune nous indique qu'il n'y a de bonne action que celle qui est l'œuvre de la bonne volonté. Le bien moral, c'est-à-dire le bien absolu, indépendant de tout désir, de tout penchant de la sensibilité, ne réside pas dans un objet de la volonté, mais dans la disposition absolue de la volonté, ou dans le rapport où elle se constitue elle-même avec la loi morale ; en d'autres termes, le bien absolu est dans la volonté qui veut la loi, et qui ne veut ses actions que par respect pour la loi ; en un mot, il réside pour Kant, dans l'obéissance au devoir. Mais si tout ce qui dans l'action morale est étranger à la pure volonté du bien, c'est-à-dire à la volonté d'obéir à la loi par respect pour la loi, est sans valeur morale, il ne s'ensuit pas que cela ne