Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 3, 1911.djvu/39

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argument repose sur ce fait que tous les peuples ont cru à l'existence d'un pouvoir souverain, arbitre des destinées humaines, rémunérateur dans la vie future, ou du moins dans celle-ci. Il est facile d'opposer à cet argument qu'il existe des athées. Mais cette objection est sans valeur, aux yeux de Lagneau. « Si la négation de l'existence de Dieu existe dans l'humanité, cela ne veut pas dire qu'elle soit dans la pensée de ceux qui l'expriment, ou du moins qu'elle soit autre chose qu'une simple opinion, qu'une opinion impliquant elle-même sa propre négation. Affirmer que Dieu n'existe pas, est le propre d'un esprit qui identifie l'idée de Dieu avec les idées qu'on s'en fait généralement, et qui lui paraissent contraires aux exigences soit de la science, soit de la conscience. En dehors de ces athées qui nient Dieu, parce qu'ils s'en font une idée plus haute que leurs contemporains, il n'y a que des athées pratiques, dont l'athéisme consiste, non pas à nier la vérité de l'existence de Dieu, mais à ne point réaliser Dieu dans leurs actes. L'athéisme pratique c'est le mal moral qui n'implique pas la négation de la valeur absolue de la loi morale, mais simplement la rébellion contre cette loi. » Partout où l'on discute les raisons de croire à l'existence de Dieu se trouve posée l’affirmation de la vérité ; on nie cette existence au nom de la vérité ; or toute affirmation de la vérité semble bien impliquer l'affirmation de la réalité de Dieu. Au fond on n'en nie que les formes inférieures, telles que les a conçues l'imagination des hommes ; et, à vrai dire, cette négation a été la condition du progrès dans la pensée humaine de l'idée de Dieu.

Ces douteurs ont frayé la route

Et sont si grands sous le ciel bleu

Que désormais, grâce à leur doute,

On peut enfin affirmer Dieu.

L'existence des athées ne peut donc être invoquée contre la preuve du consentement universel. Mais que vaut cette preuve en elle-même ? Que prouve cette tendance de l'homme à affirmer Dieu ? Est-elle conforme à la vérité ? Et puis cet argument, comme le précédent, laisse l'existence de Dieu indéterminée ; et c'est pour cela peut-être que l'athéisme est sans cesse renaissant. Il s'agit de concevoir Dieu de telle façon que les athées ne puissent le nier sous peine de se contredire, c'est-à-dire de détruire la pensée dans son essence même. Il en est de l’athéisme comme du scepti-