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peut se rendre compte de la nécessité d'admettre l'existence de Dieu pour garantir la vérité d'une affirmation quelconque, mais par lui-même il ne peut justifier cette existence ; les raisons que nous avons de l'admettre ne sont pas logiques, elles sont d’un autre ordre, moral. Aucun de ces arguments ne saurait donc contenir la preuve cherchée ; mais nous verrons que si la preuve peut être donnée par ailleurs, une fois la perfection objective atteinte et définie dans son principal caractère, ils deviennent aptes à en déterminer l'idée. Nous pourrons voir en Dieu d'une part le principe de l'entendement, et par suite la garantie de sa véracité ; d'autre part le principe de la réalité physique, en un mot le principe commun de la pensée et du monde. Voyons donc quelle est pour Lagneau la nature des preuves, dites morales, que les autres preuves supposent.

II

Lagneau distinguait deux sortes de preuves morales : « Quand on dit preuve morale on peut avoir dessein de corriger, de restreindre le sens du mot preuve et lui ôter son caractère logique. Une preuve morale est alors une preuve qui ne démontre pas rigoureusement, qui n'est qu'une raison de croire ; c’est une preuve qui ne consiste, en définitive, qu'à fournir des probabilités, en faveur de la thèse. Les preuves morales de l'existence de Dieu, en ce sens, sont les preuves fondées sur les besoins de notre nature, et, ce qui au fond revient au même, sur le fait que l'humanité dans son ensemble croit à l'existence de Dieu. Puis, il y a un second sens du terme ̃preuve morale, c'est le sens kantien. Cette preuve consiste, dans ce cas, à partir du devoir ou de l'existence de la moralité, et à démontrer que l'existence de Dieu est une condition que le devoir suppose. » C'est dans la voie tracée par Kant qu'il faut chercher, selon Lagneau ; mais nous verrons combien est personnelle et profonde sa conception de la preuve morale ; c'est vraiment le centre de sa philosophie ; c'est là qu'il faut se placer pour en apercevoir le véritable caractère. Ce que Lagneau entend par preuve morale, au premier sens du mot, c'est ce qu'on désigne parfois sous le nom de preuves psychologiques : le mot moral étant entendu ici dans son sens large. Il en distingue de deux sortes : 1° la preuve fondée sur les besoins de