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DIEU DANS LA PHILOSOPHIE DE LAGNEAU

La philosophie, selon Lagneau, doit être une, comme la pensée dont elle est l'idée, ou plutôt la conscience réfléchie et distincte. L'unité de la pensée n’est pas seulement celle d'un tout organisé, dont toutes les parties sont solidaires, et les fonctions corrélatives et harmoniques. Quel que soit le fait de conscience dont parte le psychologue, il peut être assuré d'y retrouver, s’il l'analyse à fond, la pensée tout entière, car le propre de la réalité spirituelle, c’est d'exister en profondeur, non de s'étaler en surface. Le caractère singulier de tout fait de conscience, c’est d'être mien, c’est-à-dire d'être attribué au moi ; le je est le sujet de toutes nos pensées (états ou actes) ; or que désigne ce je, sinon la présence du tout indivisible de la pensée dans chacun de ses éléments et à chaque moment de son développement ? et dans ce tout l'analyse réflexive nous révèle, en dehors d’une matière, une forme dont le principe et la source est la liberté. Le moi, pour Lagneau, est, dans son fond, liberté, et comme la liberté est, pour lui, identique à la pensée absolue, le moi n'existe et ne peut être conçu que par Dieu ; l'existence du moi a pour support la réalité de Dieu. La conséquence nécessaire d'une telle conception de la pensée, c’est que la séparation de la psychologie et de la métaphysique est non seulement artificielle, mais absolument illégitime, qu'elle est destructive de la seule réalité que nous connaissions immédiatement : le fait de conscience. Lagneau pense donc avec Descartes que toute certitude est interdite à quiconque nie Dieu ; de telle sorte que le philosophe ne peut en aucune façon éluder le problème de Dieu ; il se trouve impliqué dans tous les autres problèmes. On le voit apparaître au fond de toutes les méditations de Lagneau, qu'elles portent sur la méthode de la philosophie, ou la perception extérieure, ou la certitude ou l'idéal moral etc. Mais quoiqu'on puisse dire qu'à ses yeux, tout est dans tout, il n'en considère pas moins comme nécessaire à la connaissance de la pensée, l'étude de toutes les formes qu'elle revêt, dans ce qu'elles ont