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E. LE ROY. — COMMENT SE POSE LE PROBLÈME DE DIEU.

secundum quod est in potentia ad illud ad quod movetur ; movet autem aliquid, secundum quod est actu ; movere enim nihil aliud est quam educere aliquid de potentia in actum. De potentia autem non potest aliquid reduci in actum nisi per aliquod ens in actu : sicut calidum in actu, ut ignis, facit lignum, quod est calidum in potentia, esse actu calidum, et per hoc movet et alterat ipsum. Non autem est possibile, ut idem sit simul in actu et potentia secundum idem, sed solum secundum diversa ; quod enim est calidum in actu, non potest simul esse calidum in potentia, sed est simul frigidum in potentia. Impossibile est ergo quod, secundum idem et eodem modo, aliquid sit movens et motum, vel quod moveat seipsum. Omne ergo quod movetur, oportet ab alio moveri. Si ergo id a quo movetur, moveatur, oportet et ipsum ab alio moveri, et illud ub alio. Hic autem non est procedere in infînitum ; quia sic non esset aliquod primum movens, et per consequens nec aliquod aliud movens : quia moventia secunda non movent nisi per hoc quod sunt mota a primo movente, sicut baculus non movet, nisi per hoc quod est motus a manu. Ergo necesse est devenire ad aliquod primum movens, quod a nullo movetur ; et hoc omnes intelligunt Deum.

J’ai tenu à citer ce passage tout au long, parce qu’il est admirablement significatif et révélateur. On ne saurait trop le méditer, car il réunit, met à nu et condense en formules saisissantes, presque sans exception, les divers postulats sur lesquels reposent les arguments d’ordre cosmologique. Une méthode, une altitude d’esprit sont là tout entières, justement celles qui nous rendent les vieilles preuves désormais inacceptables[1].

De cela, quiconque a reçu la culture et la formation modernes de l’esprit, surtout en matière scientifique, ne manque point d’avoir une vive impression, dès la première lecture et avant tout examen de détail. Les progrès de la critique, le changement des points de vue font que ce qui paraissait peut-être obvie aux contemporains de saint Thomas ne nous semble plus aujourd’hui ni simple, ni clair, ni même vrai[2]. Les principes de la démonstration précédente nous sont en réalité plus obscurs que la conclusion même et — croyants ou incroyants — nous sommes beaucoup plus loin de les admettre que d’accepter celle-ci. Rien n’est plus contraire aux tendances de la

  1. Je ne conteste ici qu’un raisonnement de saint Thomas, non point le fond de sa théologie.
  2. Ne pas oublier, d’ailleurs, que cette preuve a été construite à une époque où personne au fond ne ressentait le besoin d’une preuve.