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richesses profondes, encore tout absorbée par les soucis utilitaires de l’action pratique, se tourne d’instinct vers le dehors plutôt qu’elle ne s’applique à se scruter elle-même ; et dans le spectacle de la nature extérieure, ce qui la frappe d’abord et ce qu’elle remarque, ce sont les changements qui s’y produisent. D’où la première preuve de Dieu, dite preuve par le mouvement.

Cette preuve, que saint Thomas expose d’après Aristote et qu’il donne comme la plus claire et la plus simple de toutes, prétend conclure à l’existence de Dieu par la nécessité d’un premier moteur immobile, principe des mouvements que l’expérience nous montre dans le monde. Elle part d’un fait d’observation, le fait universel du mouvement, et consiste en une application du principe de causalité à l’analyse de ce fait. En somme, elle se fonde sur une théorie du devenir.

Pour bien entendre la preuve ainsi construite, il faut noter le sens très large dans lequel y est pris le terme de mouvement. Chez les péripatéticiens et les scolastiques, ce terme désigne plus que le simple changement de lieu dans l’espace, le simple transport d’un mobile qui reste en lui-même inaltéré : il désigne d’une façon générale tous les changements possibles de qualité ou d’état, bref l’ensemble des transformations que nous appelons aujourd’hui phénomènes physico-chimiques ou même phénomènes de la vie corporelle et dont le « mouvement local » n’est qu’un cas particulier.

Nous resterons d’abord placés à ce point de vue ancien, plus riche, plus concret et plus positif ; et nous remettrons à la fin d’examiner une modification qu’on a tenté parfois de faire subir à l’argument traditionnel pour le mettre en harmonie avec le langage habituel de la mécanique moderne[1].

Cela posé, voici en quels termes saint Thomas expose la preuve du premier moteur. Je ne vois rien de mieux à faire que de reproduire intégralement son texteErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu..

  1. J'entends parler ici de la mécanique classique. Mais la mécanique nouvelle de M. Duhem revient à cet égard au point de vue ancien.