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un point déterminé, que celui-ci soit lui même l’objet de la conscience, ou non. Dans aucun état de conscience cette orientation, cette disposition dans une certaine direction ne fait défaut. Une direction ne se conçoit pas, en effet, par une observation unique, mais la réunion de plusieurs observations en est la condition nécessaire. Ce n’est pas en comptant les gouttes d’un fleuve et en les cataloguant que nous nous apercevrions que le fleuve a une direction déterminée. Si l’analyse psychologique doit révéler tous les faits, il ne faut pas qu’elle oublie celui-là qui est le plus important de tous les faits psychologiques. Si les arbres empêchaient Hume de voir la forêt la faute en est au caractère exclusif de son esprit, et cet exclusivisme fleurit chez ses successeurs modernes. Cependant, en y regardant de près, le développement et la forme de chaque arbre ne s’explique que par sa place dans la forêt. Il faut que la méthode analytique se supplée par une méthode génétique qui ne se contente pas de ce que la réflexion peut dégager à des phases où le développement est très avancé et où, par conséquent, l’indépendance apparente des éléments particuliers est plus trompeuse. Si par élément psychique on comprend tout ce que l’observation amène à distinguer comme une chose qui ne se laisse pas déduire d’autre chose dans la conscience, la direction permanente de la vie consciente est aussi bien un élément que chaque sensation, chaque sentiment et chaque représentation dans leur isolement. Il y a une action réciproque continue entre la direction du courant et la nature des gouttes, mais la direction ne peut pas plus se déduire des gouttes que celles-ci d’elle. La direction est l’élément historique de la vie psychique. C’est celui-ci qui détermine, d’un bout à l’autre, ce qui sera but et ce qui sera moyen, ce qui sera recherché et ce qui sera évité, ce qui sera favorable et ce qui sera défavorable. Nos sensations, nos sentiments et nos représentations sont à des distances très différentes de la détermination centrale de direction ou, si l’on veut du besoin et de l’effort primitifs et continus ; mais leur rapport mutuel, leur nature intérieure et souvent leur existence même se déterminent par leur rapport à la direction centrale.

C’est ce que des psychologues intelligents ne peuvent pas omettre. Mais s’ils en reconnaissent la vérité tout en niant l’indépendance de l’élément de volonté, ils sont, incontestablement, en contradiction avec eux-mêmes. Ainsi Ebbinghaus. Il ne reconnaît comme « formes particulières et élémentaires de la vie psychique » que les sensa-