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COMMENTAIRE
AUX
FRAGMENTS DE JULES LAGNEAU[1]

8

On nous excusera si, en commentant cette pensée si simple, nous l’obscurcissons. Il ne faut pas espérer, étant données les habitudes d’esprit de la plupart des philosophes, qu’un lecteur jeune et naturellement enclin à aller trop vite et à comprendre facilement les choses difficiles s’arrête assez de lui-même sur cette pensée pour en apercevoir toute la portée. La psychologie a de nos jours le privilège d’attirer les esprits déliés et de rallier les esprits fatigués : chacun parle du point de vue psychologique comme de quelque chose de très clair et de très nettement défini. Cela résulte de la fâcheuse notion de l’observation intérieure et de l’idée de fait psychologique : comme si l’observation n’était pas extérieure par nature, et comme s’il y avait d’autres faits que l’ensemble des faits, c’est-à-dire le monde. Partant de l’idée des faits psychologiques, les psychologues croient pouvoir se borner à la description d’un monde psychique, d’un monde intérieur analogue au monde extérieur, et c’est ainsi que d’une mauvaise métaphore de romancier on a fait une méthode pour la connaissance du spirituel. Lagneau était à un haut degré incommodé dans ses recherches par cette idée de la Psychologie comme étude philosophique séparée. Il insistait fortement sur l’impossibilité de connaître le spirituel autrement que comme condition du matériel et sur l’identité des objets que considère le psychologue et de ceux que considère le physicien. La psychologie n’est pas la science d’un certain groupe de faits, mais une certaine manière d’étudier un fait quelconque, en se demandant comment il peut être connu, comment


Rev. Meta. T. VI. — 1898.

  1. Voir Revue de Métaphysique et de Morale, nos de mars et juillet 1898.