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pas le caractère symbolique des primitives procédures, des actions de la loi en droit romain, anciens tâtonnements de la jurisprudence. Notons aussi, — puisque la théologie a été une science de nos aïeux, aussi bien que la jurisprudence, — l’abus des sens figures prêtes aux récits bibliques par les plus anciens théologiens, qui voyaient dans l’histoire de Jacob la copie anticipée de celle du Christ ou qui symbolisaient les amours du Christ et de son église par ceux de l’époux ou de l’épouse dans le Cantique des Cantiques. Ainsi commence la science théologique du moyen âge, comme la littérature moderne par le Roman de la Rose. Il y a loin de ces idées à la Somme de saint Thomas d’Aquin. — jusqu’en notre siècle, nous trouvons un dernier vestige de ce mysticisme symbolique dans les ouvrages, maintenant bien oubliés — et cependant dignes d’être exhumés par leurs grâces féneloniennes de style — de ce bon Père Gratry qui croyait voir symbolisées par le système solaire les relations successives de l’âme et de Dieu, autour duquel, suivant lui, elle tourne. Pour lui encore, le cercle et l’ellipse symbolisent toute la morale, qui est inscrite hiéroglyphiquement dans les sections coniques.

Certes, je ne veux point comparer à ces excentricités les développements, en partie solides, et toujours sérieux, que Herbert Spencer, après Comte, et tout récemment M. René Worms et M. Novicow, ont donnés à la thèse de la société-organisme. J’apprécie fort le mérite et l’utilité momentanée de tels ouvrages, même en les critiquant. Mais, généralisant maintenant ce qui précède, j’ai le droit, je crois, d’énoncer la proposition suivante : Le progrès d’une science consiste à remplacer des similitudes et des répétitions extérieures, c’est-à-dire des comparaisons de l’objet propre de cette science avec d’autres objets, par des similitudes et des répétitions intérieures, c’est-à-dire des comparaisons de cet objet avec lui-même considéré en ses exemplaires multiples et sous d’autres aspects. À l’idée de l’organisme social qui envisage la nation comme une plante ou un animal, correspond celle du mécanisme vital qui regarde une plante ou un animal comme une mécanique. Mais ce n’est pas par cette comparaison, creusée et prolongée, d’un corps vivant avec un mécanisme que la biologie a progressé, c’est par la comparaison des plantes entre elles, des animaux entre eux, des corps vivants entre eux .