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extérieure entre deux hommes ayant fait choix l’un d’une de ces idées, l’autre de l’autre, doit fatalement user et faire cesser cette discorde au bout d’un temps, puisque tout combat est épuisant et aboutit à une victoire ; tandis que la propagation imitative de l’état d’harmonie à la fois interne et externe réalisé par l’illumination d’une vérité nouvelle, synthèse de nos connaissances antérieures et communion de notre esprit avec tous les esprits qui la voient luire, n’a aucune raison de s’arrêter et se fortifie en avançant. Des trois termes compares, donc, le premier et le dernier dépassent beaucoup le second en hauteur, en profondeur, en importance, et peut-être en durée. La seule utilité du second, de l’opposition, c’est de provoquer une tension des forces antagonistes propres à susciter le génie inventif, l’invention militaire qui, en donnant la victoire à un camp, met fin momentanément à la guerre — l’invention industrielle qui, adoptée ou monopolisée par l’un des rivaux de l’industrie, lui assure le triomphe, et met fin momentanément à la concurrence — l’invention philosophique, scientifique, juridique, esthétique, quelconque, qui vient trancher brusquement d’innombrables discussions, sauf à en faire naître plus tard de nouvelles. Voilà la seule utilité, la seule raison d’être de l’opposition, mais combien de fois l’invention qu’elle appelle ne répond-elle pas ! Combien de fois la guerre fauche-t-elle le génie au lieu de le stimuler ! Et combien de talents stérilisés par les polémiques de presse, par les débats parlementaires, par la vaine escrime même des Congrès ! Tout ce qu’on peut dire — et qui vient à l’appui de ce qui précède, — c’est que l’ordre historique de prépondérance successive des trois formes de la lutte est précisément celui de leur aptitude à stimuler l’inventivité : de l’ère ou la guerre est prépondérante, en effet, on passe à une phase ou c’est la concurrence qui prédomine, et enfin la discussion. Dans une société qui se civilise, en outre, l’échange se développe plus vite que la concurrence, la conversation plus vite que la discussion, et l’internationalisme plus vite même que le militarisme.

Nous ne venons de parler que des oppositions-luttes, de celles qui ont lieu entre deux termes simultanés qui se heurtent. Quant aux oppositions-rythmes, qui consistent en termes successifs, qualités ou quantités, n’importe, en hausse suivie de baisse ou en aller suivi de retour et vice versa, il semble, à première vue, que ces dernières soient moins énigmatiques que les autres, puisqu’elles ne sont point des paralysies et des destructions mutuelles de forces. Mais, à y